Contre les frontières, la mobilité ; contre l’enfermement, l’évasion ; contre les murs, la route ; contre le repli identitaire, l’ouverture aux grands espaces ; contre la sédentarité, le nomadisme ; contre le fascisme, la liberté ; contre le mal, le bien… Ce n’est pourtant pas bien compliqué. Et quel est donc le plus beau symbole de la liberté ? Évidemment, c’est l’automobile ! (on se demande d’ailleurs pourquoi les migrants s’acharnent à utiliser le bateau).
Alors que la lutte antifasciste est plus que jamais une nécessité au quotidien (non?), Spasme ne pouvait manquer de consacrer un numéro spécial à la voiture, cet « équivalent assez exact des cathédrales gothiques » selon Roland Barthes. Et une cathédrale qui file à vive allure sur un autre chef-d’oeuvre de l’Humanité, l’autoroute, c’est excitant… un symbole sur un symbole en un accouplement aux vertus libertaires (David Cronenberg l’a bien montré). Si l’engin n’était pas dangereux pour l’État (et donc le capitalisme) il ne chercherait pas sans cesse à en limiter la vitesse. Mais le fascisme ne passera pas ! À nous de réagir et de nous réapproprier ce mécanique et métallique instrument de lutte que, chaque jour, des centaines de milliers de prolétaires fabriquent de leurs mains à travers le monde. Ne dit-on pas d’ailleurs « voiture du peuple » ?
L’État et les syndicats à sa botte cherchent à détourner de cet enjeu prioritaire en nous entraînant vers la défense du train, ce « service public » ringard qui marche à l’électricité. On voit que derrière cela œuvrent les fourbes lobbies du nucléaire et les écolos qui veulent nous ramener au temps de la charrette.
Mais foin de discours, des propositions concrètes : et si, par exemple, chaque membre du cortège de tête venait au volant de sa voiture noire ? Vous visualisez ? Voilà qui aurait de la gueule et serait pratique. On aurait plus à craindre les canons à eau et donc à porter ces si peu esthétiques k-way ; on repérerait alors facilement les bourgeois infiltrés à leur cabriolet décapotable ; les vitres teintées remplaceraient opportunément les disgracieuses cagoules. Cela aurait aussi l’avantage de faire cesser les récurrentes accusations de validisme qui entachent le cortège de tête car tout le monde aurait des roues. Dans les manifs on pourrait par exemple ranger les voitures par couleur, taille, modèle ou marque (les C15 déglingués n’auraient plus à côtoyer les mercos de service de certains). Sur les ZAD on pourrait utiliser les voitures non pas pour faire des barricades mais pour se déplacer, on en finirait donc avec ces bottes vertes en caoutchouc pleines de mycoses qui freinent la mobilisation (ne dit-on pas « mycoses vaginales, mycoses du capital ! » ?).
Bref, vous l’aurez compris, il n’y a que des avantages à l’utilisation de la voiture dans une optique révolutionnaire ou même, plus timidement, contre les excès du méchant libéralisme. Ce numéro de Spasme est donc, sans limitation de vitesse, entièrement consacré à cette question et jette les pistes d’une réflexion qui nous semble nécessaire ; en particulier cette épineuse question, fondamentale, qui ravira les théoriciens : « La voiture est-ce la classe ? ». À vos permis et bonne lecture !
Satanas et Diabolo