Périple en euskadi (2/2) : Lizarrako Txoznak 2014

programmeAu cours de nos pérégrinations en Espagne avec A., nous avons traversé le Pays Basque. Ce fut l’occasion de faire un arrêt dans la petite ville d’Estella (Lizarra en basque), proche de Pamplune, qui se trouvait en période de fêtes estivales. Outre l’aspect traditionnel de ces fêtes où les gens s’habillent en rouge et blanc comme à Bayonne et où on lâche un taureau dans les rues le samedi, c’est surtout le Lizarrako Txoznak 2014 (le Festival d’Estella) qui nous avait fait venir dans le coin. Organisé en parallèle par la jeunesse militante du coin et des assos indépendantistes, la manifestation proposait quatre soirs de concerts gratuits et plutôt sympathiques.

Jeudi 31 Juillet

Arrivés la veille afin de pouvoir un peu repérer les lieux, nous avions localisé l’emplacement du festival. Calé juste à côté de la fête foraine, le contraste était plutôt amusant. D’un côté un manège nommé La Ranita sur lequel les forains avaient apposé les visages de célébrités (Cameron Diaz, Mat Damon, Shakira, Nicolas Cage) nous promettant des sensations fortes, de l’autre la scène et les buvettes recouvertes de banderoles de soutien aux prisonniers politiques basques ou aux victimes palestiniennes des bombardements sur Gaza par l’armée israélienne.

Nous arrivons pour le début du concert, c’est-à-dire à 23h. Comme souvent dans ce type de rassemblement il y a une prise de parole au début. Ne comprenant pas grand chose à l’espagnol  et encore moins au basque nous comprenons tout de même qu’en gros on est à peu près d’accord avec ce qui est dit (bien que le côté un peu trop coco de ces mouvements me fasse rester méfiant). Ça se termine par le slogan « Independantzia, Socialismoa, Feminismoa » qui est plutôt clair. Ensuite nous avons droit à un petit morceau de txalaparta. Qu’est-ce que la txalaparta ? Il s’agit d’un instrument basque consistant en un ensemble de planches posées sur des tréteaux et sur lesquels un binôme de musicien frappe à l’aide de pilons. Personnellement je n’écouterais pas ça des heures, mais bon à petite dose ça n’est pas désagréable non plus. En suivant, nous assistons à une danse en costumes traditionnels. Dit comme cela, vous devez commencer à vous dire que ça fait un peu truc à touristes, mais en fait pas du tout. Il faut bien comprendre qu’au Pays Basque la culture traditionnelle est bien vivante et qu’elle sert aussi de moyen de revendication.

Finalement quelqu’un monte sur la scène et nous apprenons que le groupe principal de la soirée, Governors, ne pourra pas jouer car l’un des membres est à l’hôpital jusqu’à la veille. Dommage il me semblait que ça avait l’air sympa.

Le concert démarre vers minuit avec un groupe qui vient d’Estella même, Irrikan. Ils jouent une sorte de rock-ska à la Ska-P plus gentillet (c’est dire) et en basque. Ça se laisse écouter au début, mais il arrive un moment où le chanteur, qui doit avoir dans les 18 ans, devient vraiment insupportable tant il fait le beau gosse devant un parterre de gamines.

Ils laissent finalement la place à Anai Arrebak. Pour le coup, ce groupe est selon moi la bonne surprise de la soirée. Jouant un genre de pop-punk-disco-electro, avec chant en basque, ils mettent bien le feu. Pourtant, à ma surprise, le public est plus clairsemé devant la scène, les gamins étant partis. Nous comprendrons un peu plus tard en rentrant dormir qu’ils sont tous sur la place principale de la ville devant un DJ qui passent les tubes de merdes du moment. Misère.

Le groupe Zartako-K lors de la soirée du vendredi

Le groupe Zartako-K lors de la soirée du vendredi

Vendredi 1 août

Durant la journée nous nous sommes un peu baladés en ville. Le matin nous avons assisté à une manifestation plutôt amusante durant laquelle les ados descendent tous ensemble la rivière qui traverse la ville sur des bouées. On croisera aussi de petits groupes de musique traditionnelle basque avec flutiaux et tambourins. Bref une ambiance de fête de village assez classique mis à part le moment où en se baladant dans les petites rues on tombera sur une grande banderole à la gloire d’ETA. Étrange ambiance où l’on passe du stand de churros à la lutte armée.

Plus tard dans l’après-midi nous croisons un cortège suivant un groupe de batucada. On suit le mouvement pour finalement arriver sur la place centrale où démarre un mini-concert d’un groupe ayant amené sa sono sur un chariot  roulettes. À cause de la pluie battante qui s’est mise à tombée, les musiciens s’installent sous les arcades des bâtiments qui bordent la place. Il s’agit d’un groupe de reprises (on reconnaîtra du Kortatu et du Ska-P notamment) ce qui n’enlève rien à l’énergie qu’ils dégagent.

“Moi aussi je hais mon maire”

“Moi aussi je hais mon maire”

“Retour à la maison pour les prisonniers et fugitifs basques.”

“Retour à la maison pour les prisonniers et fugitifs basques.”

Un sentiment de malaise persiste tout de même car depuis la veille on constate que les seules personnes noires que l’on croise ici sont des vendeurs de babioles et des coiffeuses faisant des tresses africaines. Voir ces gens passer pour des cons avec leur attirail et supporter avec le sourire un nombre impressionnant de connards qui veulent négocier les prix est assez insupportable. Le soir durant le concert, je tente de discuter avec l’un de ces vendeurs, posté tout près.
Venant du Sénégal pour chercher du travail en Europe, le type s’est vite retrouvé face à une réalité bien moins joyeuse. Certainement en situation irrégulière (il ne me l’a évidemment pas dit), il a trouvé ce travail de vendeur à la sauvette. Lui et ses dizaines de collègues africains sont basés à Pamplune et enchaînent tout l’été les fêtes de village à travers la région. Lorsque je lui demande qui est le patron de ce business (ils vendent tous exactement la même camelote, ce qui indique qu’il s’agit d’un réseau) et comment cela fonctionne, il ne répond pas à ma première question mais m’explique que sur une vente il touche 50 %. Je l’interroge aussi sur le lieu où il dort durant ces quelques jours, il me répond qu’il se repose dans un bus. Des nuits plutôt courtes, sachant que les festivités se terminent très tard le soir et qu’ils sont à pied d’œuvre dès 10h du matin. Par ailleurs, tous ne dorment pas dans un véhicule et une petite balade le matin permet de constater que beaucoup dorment dans les parcs et sous les estrades montées par la ville pour les fêtes. Malheureusement, la discussion ne peut pas se prolonger plus longtemps. En effet, un deuxième vendeur s’approche et celui avec lequel je discute me fait comprendre qu’il ne veut pas parler devant lui. Des esclaves qui se surveillent entre eux.

Affiche contre le sexisme. Signé par ERNAI, mouvement politique indépendantiste et communiste que l'ont a souvent vue dans les manifestations militantes.

Affiche contre le sexisme. Signé par ERNAI, mouvement politique indépendantiste et communiste que l’ont a souvent vue dans les manifestations militantes.

Vers 23h le concert commence. Le premier groupe, Kometa, est vraiment dans ce que l’on peu faire de plus indigeste comme rock basque. Voix qui geint sur une musique sans intérêt.
Le deuxième groupe est tout de même un peu mieux, même si leur nom carrément cucul, The Kamikaze Bubbles, ne laissait rien présager de très bon. Ça se laisse écouter en buvant du patxaran. L’occasion de tomber sur un autochtone avenant qui me mettra aussi quelques rasades de cidre basque Zapiain (plus acide que le breton, mais très bon). Entre deux groupes je discute un peu avec lui et lui demande la signification de stickers que j’ai vus à plusieurs reprises en ville. Il m’explique que ces autocollants portent des slogans contre le maire d’Estella, Begoña Ganuza Bernaola, membre du UNP. Parti de la droite chrétienne, l’UNP est notamment opposé à l’avortement et à la scolarité mixte. Ce parti a été allié avec le PP qui est l’équivalent espagnol de l’UMP en France et qui a souhaiter restreindre drastiquement le droit à l’avortement en Espagne ces derniers temps (projet de loi finalement annulé suite à la forte hostilité qu’il a reccueilli).

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Plus tard, allant me chercher un autre patxaran à la buvette, un sketch m’attend. Je demande à un des gars derrière le bar : « Un patxaran por favor ». Le type me regarde avec un drôle d’air, genre il comprend pas. Je lui répète et là il me fait : « Patxaran bat ? », ce qui veut dire en basque : « Un patxaran ? ». Le soupçonnant fortement de jouer au con en faisant style de pas piper l’espagnol, je lui réponds : « Si, si, bai ! » (« bai » c’est « oui » en basque) et repars avec mon verre. Le meilleur arrivera lorsque, retournant au bar pour un nième patxaran (oui, c’est à 25° mais ça se boit très bien surtout avec des glaçons), je demanderai à un autre gus, soucieux de bien faire les choses : « How do you say « por favor » in euskara ? »  Le gonze me répondra : « Oh ! I don’t speak euskara, sorry ! What do you drink ? ». Allez va pour un patxaran mon salaud !

C’est ensuite au tour du troisième groupe, Zartako-K, d’attaquer. À ce stade A. a décidé d’aller dormir du coup je me retrouve tout seul,  heureusement ce groupe de ska-punk en basque est une bonne surprise. Les musiciens mettent bien l’ambiance avec des chansons à choeurs et ont visiblement leur public avec eux. La présence scénique du chanteur rappelle de manière assez surprenante celle de François, le chanteur des Bérus. Je remarquerai au passage un oiseau plutôt rare dans le public à savoir un skinhead basque. C’est que dans une région où porter la mulette n’a rien de honteux, au contraire, on ne voit pas beaucoup de gens avec la boule à z. Le concert se termine vers les 4h du mat’ et je commence à être méchamment attaqué (essayez le patxaran, vous comprendrez). Je décide donc d’aller dormir.

Samedi 2 août

Hésitant entre rester encore un soir ou décoller pour de nouvelles aventures nous optons pour la deuxième solution. Il y avait bien un groupe qui paraissait sympa, Ultimo Reyes, mais cela fait déjà trois jours que nous sommes à Estella et l’envie de voir d’autres choses se fait sentir. En plus je suis quasi sourd de l’oreille gauche (ça durera deux jours) à cause du volume dix fois trop fort (les ingés son espagnols sont totalement irresponsables sur ce point). On a manqué le lâcher de taureau. C’est pas que je sois fan de ce genre de manifestation, je vous rassure, mais c’est vrai que j’aurais bien rigolé de voir des couillons se faire encorner !

Nous quittons donc cette petite bourgade dont nous garderons un bon souvenir ! ■

Retouvez les conseils de groupes basques à écouter  en suivant le lien : http://spasme.noblogs.org/2015/01/22/la-mini-euskal-playlist/.