Festival d’Aurillac 2016 : la petite Emeute du vendredi, le seul spectacle valant la peine !

Pour l’édition « 30 bis », les organisateurs du Festival de théâtre de rue d’Aurillac ainsi que les compagnies participantes se sont pliés complaisamment aux mesures de sécurité imposées par la Préfecture du Cantal dans le cadre de l’état d’urgence. Une démarche accueillie dans la plus grande passivité par le public à l’exception de quelques centaines de festivaliers.

Le Festival d’Aurillac avait un drôle de goût cette année. Nous étions habitués aux patrouilles de flics dans les rues, mais cette fois-ci nous sommes passés au stade supérieur. Au prétexte d’assurer la sécurité face à la menace terroriste, le centre-ville entier avait été grillagé ne laissant que quelques entrées aux allures de check point. Pour accéder à la zone, chacun devait laisser fouiller son sac par les sales pattes des vigiles, parfois sous l’œil de flics goguenards ou de soldats en armes. Outre le fait que le plan Vigipirate en place depuis 25 ans est surtout une affaire de communication, il était évident qu’encore une fois il servait à des fins moins avouables. Cela s’observait par exemple dans la légende du plan de la ville contenu dans le programme officiel. Celle-ci indiquait que les « bouteilles en verre, alcools, bagages et gros sacs [étaient] interdits ». Comprenez en creux « pas de pauvres ni de punks à chiens en centre-ville » car bien sûr bouteilles en verre et alcools étaient en vente à l’intérieur… un peu plus cher !
Face à cette manœuvre grossière (et moyennement efficace) pour éloigner la frange du public la plus désargentée et parfois un peu turbulente, il faut noter le silence assourdissant des compagnies. Ces dernières ont joué leur spectacle comme si de rien n’était. On pourra nous rétorquer que ça n’est pas les zonards qui vont les programmer à la MJC de Clermont-Ferrand et les aider avoir leur statut d’intermittent. Certes, simplement nous mesurons la distance qu’il y a entre les paroles et les actes de ces artistes, de gauche évidemment, qui surfent allègrement sur l’image subversive et un peu gavroche du théâtre de rue. Au final, nos théâtreux ne font que tolérer ces pauvres qui rendent le décor aurillacois si authentique, mais s’il le faut vraiment, ils peuvent s’en passer.

La seule petite éclaircie de ces quatre jours aura donc été la manifestation du vendredi 19 août contre l’état d’urgence et les fouilles à l’entrée du site du festival. Toute la journée le mot avait tourné : rendez-vous à 18 heures place des Carmes. Arrivés sur place, force était de constater que l’appel n’avait pas réuni des foules. Seulement 300 à 400 personnes étaient présentes, pour un festival qui revendique le passage d’environ 100 000 personnes en quatre jours. Néanmoins l’ambiance est rapidement montée et les barrières de sécurité ont vite été renversées par les manifestants, provoquant la fuite des vigiles et l’arrivée d’un cordon de gendarmes mobiles en tenues anti-émeutes. Un slogan repris par les manifestants résumait l’idée du rassemblement : « Fouilles, contrôles et surveillances, l’art de rue perd tout son sens ». Si cela rimait bien, nous émettrons des réserves sur l’intérêt de chercher un sens à l’art, qu’il soit « de rue » ou non. Passons. Les grilles ont ensuite été montées en barricade à l’entrée de la rue Jules Ferry dans laquelle étaient retranchés les pandores. Quelques poubelles enflammées sont venues agrémenter joyeusement le tout. La réponse des gendarmes ne s’est pas fait attendre, ils ont tiré des grenades lacrymogènes dans la foule. S’en sont suivies deux à trois heures d’échauffourées avec une utilisation massive de gaz et plusieurs tirs de flashball qui n’ont apparemment pas fait de blessés graves, heureusement. Trois interpellations semblent tout de même à déplorer, ce qui n’est pas étonnant vu que très peu de personnes étaient masquées et prenaient parfois des risques franchement inconsidérés.
Il est aussi dommage que la manifestation n’ait pas su s’engager dans le centre-ville, ce qui aurait permis de perturber la léthargie générale qui y régnait (200 mètres plus loin personne ne savait ce qui se déroulait) et aurait peut-être un peu fait grossir le cortège. Par ailleurs, si nous avons constaté avec plaisir qu’il n’y avait plus l’ombre d’un vigile aux entrées du site dans la soirée du vendredi, le samedi tout était sinistrement rentré dans l’ordre.

Ce petit événement nous a tout de même fait chaud au cœur et a permis de voir qu’il existe encore quelques personnes qui ne cèdent pas face au terrorisme d’État. Sans conteste cette manifestation aura été le meilleur spectacle de rue du festival. L’air saturé de lacrymo est sans hésitation bien plus respirable que celui qui pue l’hypocrisie des honnêtes citoyens. À ceux-ci, allez donc crever !

M.