Périple en euskadi (1/2) : Le Pays Basque, une terre de luttes !

Alors qu’environ 100 000 personnes ont bravé l’interdiction de manifester en faveur des prisonniers politiques basques à Bilbao, c’est l’occasion pour nous de mettre en ligne notre mini-dossier sur le Pays-Basque publié dans notre n°8.

Cet été Spasme ! s’est baladé au Pays Basque. Un endroit que nous connaissions déjà pour certains qui y ont vécu, mais qui réserve néanmoins toujours de nouvelles découvertes. Dans les pages qui suivent nous vous en ferons découvrir quelques unes.

Fresque défendant le retour des prisonniers politiques basques sur la plage principale de Lekeitio.

Fresque défendant le retour des prisonniers politiques basques sur la plage principale de Lekeitio.

Le Pays Basque quand on ne connaît pas, on ne comprend pas forcément tout ce qui s’y passe du premier coup. On a bien souvent les deux images stéréotypées que veulent bien nous en donner les États français et espagnol avec leur médias. D’un côté le gentil basque festif en rouge et blanc qui aime la corrida, le jambon et la pelote, de l’autre le méchant basque terroriste, caractéristique qui se suffit à elle-même pour éviter d’écouter ce qu’il a à dire (des fois que ça donne des idées à d’autres). Évidemment, c’est un peu plus compliqué que ça. Si le “basque folklorique” existe bien pour distraire le touriste en mal d’exotisme, nous avons préféré nous pencher sur les mouvements de luttes que nous avons pu voir en y allant. Enthousiasmants par certains côtés, il arrive parfois que l’on soit un peu perdu face à certaines revendications (communisme façon marteau-faucille),  ou étiquettes (patriote de gauche). Pour nous aider à y voir plus claire j’ai demander à Lander, un copain de là-bas, de nous éclairer un peu.

Spasme : On peut remarquer que bien souvent les groupes militants basques ont de fortes influences communistes. On voit assez fréquemment des graffitis représentant le marteau et la faucille. Pour m’être retrouvé dans un concert organisé par l’association ERNAI (qui prône la devise « Indepandentzia, Socialsmoa, Feminismoa »), j’ai constaté que ce symbole était mis en avant. N’est-il pas étrange que ce type de communisme qui a prouvé son caractère autoritaire dans les pays de l’Est ou en Asie fasse encore recette, notamment chez les jeunes ?

Lander : En fait, il s’agit d’un fait assez historique, il faut se rappeler que l’Espagne a vécu une guerre civile dans les années 30, entre le camps de l’État républicain socialiste et le putsch militaire fasciste. La résistance à ce coup d’état a été menée par des groupes très hétéroclites (socialiste, communiste, anarchiste), mais l’URSS a été un acteur majeur dans les livraisons d’armes à l’État républicain, d’où une influence très forte de la symbolique communiste soviétique. Pendant toute la période de la dictature cette influence communiste est reprise dans les groupes de résistance révolutionnaire, notamment l’ETA. De nos jours les slogans et les symboles sont toujours ancrés dans les mouvements des jeunes, mais j’ai l’impression que dans ce genre de mouvement l’idéologie principale est axée sur l’indépendance, l’autodétermination du PB, et je me demande bien ce que signifie encore pour ces jeunes le mot “socialisme”. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait beaucoup de réflexion dans ce sens-là, à part une idée vague d’un anticapitalisme. Mais peut-être que cela est en train de changer avec la crise profonde que traverse l’Espagne. Je pense que ce serait une idée intéressante de demander à ces militants ce que signifie pour eux le mot “socialisme”. Je serai bien curieux de connaître leurs réponses!

S. : Existe-t-il d’autres courants sur des bases plus libertaires ?

L. : Bien sûr, pas mal de gaztetxe (maison des jeunes) reprennent des modèles d’organisation libertaire, mais j’ai l’impression que c’est plutôt des petits noyaux, dont l’influence se limite à la ville du gaztetxe. L’ensemble de ces expériences forment peut-être un courant plus libertaire, mais je suis pas sûr qu’il y ait vraiment d’organisation entre ces gaztetxe libertaires!

Fresque sur un mur du Petit Bayonne

Fresque sur un mur du Petit Bayonne

S. : En théorie le nationalisme débouche facilement sur la xénophobie ou du moins sur la création de frontières ce qui est difficilement conciliable avec les idées communistes ou libertaires. Comment cela fonctionne-t-il au Pays-Basque ?

L. : C’est un peu la magie de ces mouvements esker abertzale (patriote de gauche), ils arrivent à unifier ces deux idées!  Les mouvements basques sont un cocktail de nationalisme, de socialisme et d’idée libertaire. Mais pour ma part j’ai un peu de mal à comprendre cette obsession nationaliste! L’idée de nationalisme est surtout animée par l’envie d’indépendance, mais après où commence la limite de la xénophobie, je ne sais pas.

S. : ETA a décidé de déposer les armes. Que faut-il comprendre de cette décision ?

L. : Je crois qu’il faut comprendre que l’idée de lutte armée s’est un peu dissipée, la justification d’un conflit armé n’est plus aussi évidente que sous Franco. Cela fait des décennies qu’ETA perdait en force et en soutien, et ces  dernières années ETA n’était plus vraiment très actif.

S. : Pour finir, quelle direction prend le militantisme basque ? As-tu un point de vue sur celle-ci ?

L. : Les choses bougent pas mal, des mouvements se sont dissous. SEGI, une organisation politique de jeunes esker abertzale s’est dissoute. Batasuna, le bras politique de l’ETA s’est dissous aussi. D’autres mouvements ont dû reprendre les idées nationalistes, indépendantiste, et socialistes. ERNAI n’est sûrement que la suite de SEGI. À voir! ■

 

En plus :

Lander nous conseillait de visionner le documentaire de Sylvie Garat « Génération autonomistes basques » diffusé en octobre dernier sur France 3 Aquitaine.

Partie 1
http://youtu.be/pDbsTi4KgRE
Partie 2
http://youtu.be/8RRb0Dl3F5k
Partie 3
http://youtu.be/7m5bsmkY8Ro
Partie 4
http://youtu.be/uikXoZZkQeE