Notre-Dame-des-Landes | Marcher dans la démocratie… ne nous portera pas bonheur !

La lutte « contre l’aéroport et son monde », selon la formule consacrée, a le mérite d’avoir fait agir ensemble et avec une certaine efficacité ses composantes très différentes. Au printemps 2016 cependant, la principale association d’opposants au projet a eu une position ambiguë sur la consultation publique voulue par le gouvernement. Son discours contradictoire nous semble poser des questions cruciales, et classiques dans chaque lutte, sur les buts poursuivis et les moyens.

L’Acipa est « l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ». Elle est composée d’habitants et d’agriculteurs, propriétaires ou non de parcelles se situant dans la zone d’aménagement différé (ZAD) destinée à la construction du nouvel aéroport de Nantes. Il s’agit des opposants « historiques » au projet, engagés pour certains dans la lutte depuis 1973. En 2008, avec la réactivation du projet par les pouvoirs publics après une période d’hibernation, un nombre important de personnes sensibles aux questions environnementales et parfois clairement opposées au système capitaliste sont venues se joindre à eux. Certaines de ces personnes font partie des « zadistes », et elles ont fait le choix d’occuper illégalement ce qui est devenu la « zone à défendre » en construisant des cabanes et en cultivant des terres aux côtés des quelques habitants d’origine restants.

Comme son nom le laisse entendre, l’Acipa n’a aucune prétention révolutionnaire, elle est citoyenne. Elle adopte donc une position légaliste alliant manifestations et recours en justice dans le but d’empêcher la construction de l’aéroport. Au bout de quarante ans d’actions en justice et malgré toutes les irrégularités qu’elle a réussi à soulever, elle n’a pu que retarder les travaux. Les gouvernements successifs ont toujours voulu mener à bien le projet. Depuis début 2015, un certain flottement s’est néanmoins fait sentir du côté de l’exécutif. Pas à cause d’un intérêt soudain pour les espèces de mulots en voie d’extinction, rassurez-vous, mais plutôt du fait de l’approche de l’élection présidentielle de 2017.

C’est que, pour ce pouvoir qui se disait de gauche, le cas Notre-Dame-des-Landes a été un boulet. Tout au long du mandat de François Hollande, il a illustré la contradiction entre le prétendu souci pour l’environnement des socialistes et leurs actes. De plus, sur la ZAD, les opposants sont nombreux et tenaces. Certains ne rechignent pas à utiliser la force pour se défendre en cas de tentative d’expulsion. Même s’ils sont loin de pouvoir rivaliser militairement avec les forces de l’ordre, ils s’exposent à un potentiel « dérapage » policier mortel, ce que le pouvoir redoute particulièrement depuis la mort de Malik Oussekine en 1986 et plus récemment depuis celle de Rémi Fraisse [1]. Face à cette situation, François Hollande a cru trouver une porte de sortie en proposant début 2016 un référendum local sur la réalisation ou non du projet. S’il s’agissait d’un évident aveu de faiblesse de sa part — d’autant que le référendum est devenu une « consultation » sans valeur légale à la suite d’un cafouillage juridique —, cela ne voulait pas dire qu’il y avait quelque chose de bon à tirer de cette annonce pour les opposants. Car, en acceptant d’aller sur le terrain mouvant de l’opinion, on abandonne automatiquement le terrain de la lutte et du rapport de force. Une chose qu’ils ont tous eu l’air de plutôt comprendre dès le départ.

Tous ? L’Acipa a en réalité joué une partition assez étrange. Dans un premier communiqué, l’association déclara que le problème de Notre-Dame-des-Landes ne pouvait pas être réglé par un référendum, car le projet d’aéroport est de toute façon en contradiction avec plusieurs réglementations et que des procédures étaient alors en cours [2]. Un mois et demi plus tard, l’angle d’attaque a étrangement changé, et l’Acipa est passée d’une critique de la légalité même de la consultation à une critique de ses modalités [3]. Un positionnement qui laisse entendre que si celles-ci avaient été « équitables » la consultation aurait été acceptable pour l’association, ce qui est bien entendu en contradiction avec le précédent argument. Néanmoins, pour l’un ou l’autre des deux arguments, les membres de l’Acipa, en bons démocrates, auraient a priori dû appeler à boycotter le vote puisqu’ils ne le jugeaient pas… démocratique [4] ! Mais non ! L’association a appelé à voter « non » à l’aéroport tout en annonçant qu’elle ne tiendrait de toute façon pas compte du résultat. Elle justifia ce choix pour le moins alambiqué en prétendant se servir de l’occasion pour faire un travail d’information auprès de la population. Or nous ne voyons pas bien le rapport entre informer le public et participer à la consultation. Depuis longtemps déjà les opposants informent sur le désastre environnemental que représente ce projet d’aéroport et critiquent la vision du monde qu’il porte en lui. Dans l’absolu, il aurait même été possible de faire une campagne d’information pour expliquer les raisons d’une non-participation des opposants au vote. Ce que n’a visiblement pas compris l’Acipa, c’est que ce n’est pas elle qui a utilisé la consultation à son profit, mais que c’est l’État qui a utilisé l’Acipa comme caution. Sa participation en tant qu’association des opposants historiques a donné une légitimité à la consultation et ceci en dépit de ses états d’âme. Depuis, le vote a donné gagnant le « oui » à l’aéroport, et l’État a obtenu un argument supplémentaire — bien que d’une puissance limitée — pour expulser la zone.

Alors bien entendu nous sommes heureux de savoir que les membres de l’Acipa n’ont jamais envisagé d’abandonner la lutte, quel que soit le résultat, mais quelles conclusions tirent-ils de tout cela ? Au-delà de cette situation précise, nous nous demandons plus fondamentalement en quoi ils pensent qu’une victoire légale serait vraiment une victoire. Il est certain qu’elle permettrait de souffler un peu. Mais la question de l’aéroport réglée, il resterait néanmoins celle plus compliquée de ce que beaucoup d’opposants, et notamment les plus radicaux, appellent « son monde ». Certes l’Acipa n’a jamais repris littéralement le slogan zadiste à son compte, mais il nous a pourtant semblé que son discours ne se limitait pas (plus ?) à une plainte de petits propriétaires qui ne se seraient opposés à ce projet que parce qu’il prend place chez eux. Des revendications environnementales sont portées, une opposition plus générale aux « grands projets inutiles » est formulée, et on décèle même un enthousiasme pour les échanges non marchands au détour de certaines interventions. C’est le cas lorsque deux habitants historiques, relayés par le site web de l’Acipa, disaient à propos de leur cohabitation avec les zadistes : « Trouvez-nous un autre endroit où vous pourrez sans argent partager du pain, des légumes, de la vie culturelle [sic] et bien d’autres choses encore. Alors, nous considérons que c’est plutôt une chance de côtoyer ces tentatives pour construire un monde différent. »[5] Il faudra bien un jour sortir de cette contradiction insoluble qui consiste à appeler à un modèle de société différent tout en se limitant aux moyens d’action de l’actuel. Le « monde » de l’aéroport, c’est celui du capitalisme. Si l’on veut s’y opposer, il faut également s’opposer à l’État et à la démocratie. Par définition, ce n’est pas sur le terrain légal que nous gagnerons cette bataille-là. Pire, limiter ses ambitions à une éventuelle annulation du projet serait même le plus sûr chemin pour laisser le « monde » de l’aéroport absorber tout ce que le mouvement a aujourd’hui de subversif. C’est reconnaître les règles du jeu de l’État, qui immanquablement ajouteraient aux occupants illégaux le statut d’illégitimes puisque la lutte serait « gagnée ». Et en admettant qu’il tolère tout de même une occupation de la zone, nous aurions sans aucun doute ce qui arrive avec certains squats « historiques » dans quelques grandes villes : l’État signerait avec les occupants du site une convention fixant un certain nombre de règles à respecter. On connaît la suite : les années passant, les occupants se mettraient alors à monter leur petit business de fromages de chèvre certifiés bio-équitables- alternatifs — qui montrent que, quand tu en achètes, tu luttes toi aussi. Peut-être même aurions-nous un magnifique terrain de camping autogéré pour touristes engagés et « consom’acteurs »… Bref, nous n’aurions changé que la forme, pas le fond. Pour éviter ce genre de cauchemar, rappelons-nous que nos buts sont déjà contenus dans les moyens que nous employons pour tenter de les atteindre. Peut-être la voie légale peut-elle avoir des intérêts stratégiques immédiats à exploiter, mais en aucun cas ce ne peut être une manière de changer le monde. Cet épisode de la consultation publique illustre quant à lui que l’option démocratique est une impasse.

M.

[1] Malik Oussekine est un étudiant franco-algérien qui fut battu à mort par la police dans la nuit du 6 décembre 1986 après une manifestation contre la loi Devaquet. Rémi Fraisse était quant à lui un jeune manifestant contre le projet de retenue d’eau du Testet, à Sivens, dans le Tarn. Dans la nuit du 24 au 25 octobre 2014, lors d’une manifestation qui vira à l’affrontement avec les forces de l’ordre, il fut tué par un tir de grenade. Signe d’une époque qui devient de plus en plus réactionnaire, nous remarquerons que sa mort a peu ému en dehors des cercles militants de gauche.

[2] « Un référendum, c’est mieux que la guerre mais… », le 9 mars 2016, http://acipa-ndl.fr.

[3] « Position de l’Acipa sur la « consultation » », le 22 avril 2016, http://acipa-ndl.fr.

[4] « Consultation du 26 juin 2016 en Loire-Atlantique : On a tous une bonne raison de voter NON ! », le 13 mai 2016, http://acipa-ndl.fr. Dans ce billet l’Acipa appelle à voter « non » tout en rappelant que « les conditions d’un réel débat démocratique ne sont pas réunies ».

[5] Marcel Thébault et Sylvain Fresneau, « Manif du 27/02/2016 – Prise de parole des historiques expulsables », le 9 mars 2016, http://acipa-ndl.fr.

 

Démocratie : le fantasme du retour aux sources

« Citoyens constituants », « Gentils Virus », « Insoumis » :
les promoteurs de la « vraie » démocratie

Ils sont tout un aréopage, si l’on peut dire, à vouloir nous refourguer cette antiquité qu’est la démocratie à la grecque. Cette marotte est partie d’Étienne Chouard, un professeur de lycée à Marseille qui s’était fait connaître de la gauche radicale et altermondialiste en 2005 par sa critique du projet de constitution européenne. Par la suite il a commencé à développer l’idée qu’un changement radical de la société passerait par le biais d’une assemblée constituante mettant en place un régime s’inspirant en partie des institutions athéniennes classiques. Petit à petit ses thèses se sont diffusées sur internet et il a séduit tant la gauche souverainiste qu’une partie de l’extrême droite et de la complosphère. On l’a ainsi longtemps retrouvé invité dans les médias des deux bords — nous laissant penser que lesdits bords se rapprochent sacrément en ce moment. Cependant, son intérêt pour les « réflexions » d’Alain Soral ont fait fuir une partie de ses supporters de gauche. Cela n’empêche pas ses idées de continuer à plaire et on trouve de nombreux collectifs (Citoyens constituants, Gentils Virus) qui s’attachent à répandre ses thèses par le biais de cercles de discussion, de pièces de théâtre (notamment dans le off à Avignon), d’internet (LeMessage.org) ou de films (J’ai pas voté, de Moïse Courillau et Morgan Zahnd). Il y a également une grande porosité entre les adeptes de Chouard et les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon, ce qui explique certainement que ce dernier a appelé durant sa campagne à une assemblée constituante partiellement tirée au sort.

« Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change. »
Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard.

Depuis plusieurs années, il est possible de croiser dans les luttes sociales des personnes qui cherchent à nous convaincre que la démocratie athénienne du Ve siècle avant J.-C.[1] serait une source d’inspiration incontournable. Mettant en avant le prétendu égalitarisme de ce système, elles ont tendance à vouloir (nous faire) oublier ce qu’était réellement la société athénienne de cette époque. Face au succès de ces thèses, un petit rappel historique s’impose.[2]

De quelle égalité parle-t-on ?
Dans le monde grec, le demos, le peuple, ne désignait pas l’ensemble des habitants d’une cité mais uniquement ceux qui avaient le statut de citoyen. Or, l’égalité juridique, croissante, alla de pair avec une définition de plus en plus stricte de ce statut. Au Ve siècle, pour être citoyen athénien il fallait être un homme âgé de 18 ans né d’un père citoyen athénien. À partir de 451, suite à une réforme de Périclès, il fallait en plus être le fils d’une fille de citoyen.[3] Mais cela ne suffisait pas, l’aspirant citoyen devait aussi prouver qu’il avait droit à ce statut. Si cela lui était contesté, il pouvait soit se contenter du statut de métèque (citoyen d’une autre cité grecque résidant à Athènes et bénéficiant d’une liberté individuelle mais d’aucun droit civique) ou porter son affaire devant la justice. S’il n’arrivait pas à convaincre les juges, cette fois-là il était vendu comme esclave pour avoir tenté d’usurper le statut de citoyen.

La communauté civique, même si ses limites bougèrent au fil du temps, était donc très restreinte. Les historiens estiment que les citoyens athéniens étaient entre 30 000 et 40 000 à l’époque classique dans toute l’Attique (le territoire administré par Athènes) pour une population totale de plus de 300 000 individus. Les femmes, les enfants, les métèques et les esclaves avaient pour leur part des statuts juridiques différents et spécifiques, mais aucun droit politique. Concernant les esclaves, considérés comme des « instruments animés », les estimations de leur nombre varient entre 200 000 et 250 000 pour le Ve siècle[4], ce qui montre l’importance du travail servile dans la société grecque. Ils étaient pour la plupart bon marché, et presque tous les citoyens, même pauvres, en avaient au moins un à leur service.

Au sein même du corps citoyen, tout le monde n’était pas logé à la même enseigne. On estime (avec quelques doutes aujourd’hui) que c’est Solon qui divisa, en 594-593, la communauté civique en quatre classes censitaires et réforma les institutions athéniennes. En faisant cela il rompait avec le régime oligarchique au sein duquel les grandes familles aristocratiques athéniennes se disputaient le pouvoir jusque-là. Cependant, les droits des citoyens étaient indexés sur les revenus qu’ils tiraient de la terre, ce qui se corrélait dans la plupart des cas à leur capacité à financer leur équipement de soldat pour défendre la cité. La classe la plus pauvre, les thètes, qui rassemblait les ouvriers agricoles et les artisans, ne pouvait siéger qu’à l’ecclésia, assemblée où l’on votait les lois et la guerre, et à l’héliée, le tribunal populaire de la cité. Les trois classes les plus riches avaient en plus accès à l’assemblée qui préparait les lois, la boulè, ainsi qu’à des magistratures (les postes administratifs et de commandement militaire) dont le prestige correspondait à leur rang. La classe la plus riche regroupait quant à elle les aristocrates[5] et était la seule permettant d’exercer la magistrature la plus importante de l’époque, l’archontat.

Le siècle de Périclès
Au cours du vie siècle, sous la tyrannie des Pisistratides puis surtout avec les réformes de Clisthène (en 508-507), le sort des citoyens s’améliora. Cependant, l’égalité à Athènes n’a jamais concerné que le domaine politique. Comme aujourd’hui dans nos démocraties modernes, le statut de citoyen ne garantissait pas des conditions de vie égales, seulement une égalité théorique devant la loi[6]. La boulè, dont les membres étaient tirés au sort[7] — mode de désignation par lequel jurent nos défenseurs actuels de la démocratie athénienne —, n’a semble-t-il jamais remis en cause ce principe. La fracture sociale de la communauté civique se ressentait de plus jusque dans l’ecclésia. S’il fallut fixer un quorum de 6 000 participants pour que les votes importants y soient considérés comme valides, c’est parce que sur les près de 40 000 citoyens qui avaient le droit d’y siéger peu le faisaient effectivement. Les plus pauvres et ceux des campagnes les plus reculées ne pouvaient pas se permettre le déplacement parfois long et qui leur faisait perdre des journées de travail.

Certes, à partir des années 450, Périclès fut élu stratège pendant plusieurs années et il s’attela à réduire les inégalités entre classes de citoyens. Les thètes purent accéder à la boulè et à l’archontat.[8] Il étendit aussi le principe du versement d’une indemnité, le misthos, pour la plupart des charges publiques, en favorisant ainsi leur accès aux citoyens pauvres. Il ne faut pourtant pas s’emballer à son sujet. Cette politique répondait semble-t-il à des revendications des thètes, qui, depuis les guerres médiques au début du Ve siècle, avaient obtenu un rôle indispensable en tant que rameurs sur les trières et donc dans la défense de la cité. De plus, les auteurs anciens voyaient cela comme un moyen pour Périclès de concurrencer son rival Cimon, un riche aristocrate qui, par des pratiques clientélistes, s’assurait le soutien de citoyens pauvres.
La question du financement du misthos mérite pour sa part d’être posée. Ce système d’indemnité est souvent mis en avant aujourd’hui comme l’exemple même d’une mesure égalitariste. C’est omettre un peu vite que l’argent venait de la domination d’Athènes sur toute une partie des cités de la mer Égée.

L’impérialisme athénien
À la suite des guerres médiques de 490 puis de 480 et face au danger perse, une partie des cités du monde grec décida de s’unir pour former la ligue de Délos. Au départ toutes ces cités, dont Athènes, participaient à un conseil qui se réunissait une fois par an sur l’île de Délos, et décidaient collectivement des dispositions à prendre face aux Perses. Pour faire partie de la ligue, elles devaient fournir soit un contingent de soldats soit une contribution en argent, le phoros. Le trésor de la ligue ainsi constitué était conservé à Délos. Vers les années 450, le pouvoir d’Athènes fut de plus en plus prépondérant au sein de la ligue de Délos. En 454, alors que la ligue connaissait des dissensions dues à des défaites en Égypte, Athènes imposa que le trésor soit gardé chez elle dans le temple d’Athéna, sur l’Acropole. De fil en aiguille, la cité fit pression pour s’octroyer le droit d’utiliser une partie du phoros pour financer ses institutions, notamment le misthos, et certaines constructions publiques commandées par Périclès.

À partir de 448, la mer Égée fut débarrassée de la flotte perse, ce qui voulait dire que la ligue de Délos n’avait en théorie plus de raison d’être. Mais les Athéniens imposèrent son maintien et matèrent les révoltes des cités qui voulaient en sortir ou qui refusaient sa domination. Un exemple célèbre de leur brutalité toute démocratique est celui rapporté par Thucydide dans le dialogue entre les Méliens et les Athéniens. En 416, durant la guerre du Péloponnèse, la cité de Mélos, qui était neutre, fut assiégée par les Athéniens, qui souhaitaient qu’elle les rejoigne. La discussion entre représentants des deux cités est imaginée par Thucydide, mais elle illustre les enjeux de la situation. Les Méliens firent valoir leur droit légal de ne pas se soumettre. Les Athéniens leur opposèrent le droit naturel que leur conférait selon eux leur puissance et répondirent la chose suivante : « Nous le savons et vous le savez aussi bien que nous, la justice n’entre en ligne de compte dans le raisonnement des hommes que si les forces sont égales de part et d’autre ; dans le cas contraire, les forts exercent leur pouvoir et les faibles doivent leur céder ».[9] Les Méliens refusèrent de s’incliner, espérant une aide spartiate qui ne vint jamais. Après un long siège, ils finirent par se rendre. Tous les hommes furent tués, les femmes et les enfants réduits en esclavage, et les terres furent attribuées à des clérouques, sorte de colons athéniens envoyés dans les cités conquises. Les clérouques, recrutés le plus souvent parmi les thètes, gardaient leurs droits civiques bien qu’ils fussent en dehors du territoire athénien, et grâce aux revenus des terres qu’ils venaient d’obtenir ils pouvaient se financer la coûteuse panoplie d’hoplite (fantassin grec). Cela augmentait le réservoir de soldats d’Athènes, laquelle pouvait surveiller au plus près les cités soumises.
Le cas de Mélos n’est pas isolé, plusieurs autres cités eurent à subir peu ou prou le même sort. Il est par ailleurs intéressant de constater qu’Athènes mettait parfois en place des tyrans dans les cités récalcitrantes afin de s’assurer une meilleure obéissance de leur part. Cette domination athénienne sur le monde grec s’effrita à partir de 415. Sparte prit le dessus militairement, et la démocratie fut menacée par des factions aristocrates qui tentaient de rétablir une oligarchie (les Quatre-Cents en 411, puis les Trente en 404). En 404, défaite, Athènes dut détruire ses fortifications et réduire sa flotte à douze trières. En 403, la démocratie fut rétablie, mais la cité avait perdu l’empire qui avait assuré sa prospérité économique et la vitalité de son régime politique pendant plus de cinquante ans.

Le pouvoir de choisir ses grands hommes
Si les Quatre-Cents purent en 411 imposer une oligarchie, c’est notamment parce qu’à ce moment-là les thètes étaient à la guerre, occupés à ramer sur les trières loin d’Athènes. Lorsqu’ils rentrèrent, ces derniers rétablirent le régime démocratique qui leur semblait plus favorable. Mais cet épisode montre que la prétendue suspension des inégalités sociales permise par l’égalité politique de la démocratie n’était que fictive. Les citoyens pauvres, bien qu’ayant certains avantages par rapport à d’autres catégories sociales, n’avaient clairement pas le même pouvoir que l’aristocratie, qui, malgré les changements de régime, continuait d’exister et de dominer la société athénienne. Il suffit d’examiner les origines sociales des « grands hommes » de la démocratie athénienne pour s’en convaincre. Certains firent même de très longues carrières au pouvoir, à l’image de Périclès, qui fut reconduit à la charge de stratège durant une vingtaine d’années alors que le régime démocratique semblait à son apogée. Thucydide reconnaissait à ce sujet que « ce gouvernement portant le nom de démocratie, en réalité c’était le gouvernement d’un seul homme ».[10]
Cela s’explique notamment par la séduction que les grands orateurs exerçaient (et exercent encore) sur l’auditoire d’une assemblée. La démocratie, ancienne ou actuelle, est un système qui donne l’avantage à ceux qui ont la science des mots, indépendamment des positions qu’ils défendent. Or ce n’était pas l’ouvrier agricole qui pouvait s’offrir des cours de rhétorique et d’éloquence. S’exprimer à l’ecclésia n’était du reste pas sans risque. N’importe quel citoyen pouvait certes y proposer un décret, mais si ce dernier était considéré comme contraire aux lois déjà existantes, la personne risquait des poursuites en justice et un éventuel ostracisme (bannissement de la cité pour dix ans maximum). Mieux valait avoir étudié le droit avant de se lancer !

Le mirage de la « vraie » démocratie
Bien souvent, ceux qui vantent la démocratie athénienne ne s’attardent pas sur les détails ou réalités historiques (le plus souvent ignorés), mais se réfèrent à un prétendu principe : « le pouvoir au peuple ».

Le système athénien n’est pourtant pas séparable de la société qui l’a produit et il est le fruit de rapports de force entre différentes catégories de la population. Les mesures qui furent considérées comme fondatrices de la démocratie étaient surtout empiriques et avaient pour but de faire régner la paix sociale, asseyant à l’occasion le pouvoir d’un législateur.

Ainsi, face aux révoltes du demos rural et à l’affirmation d’une petite bourgeoisie citadine (artisans et commerçants) contre le pouvoir des aristocrates, Solon tenta de rétablir un statu quo. Il annula les créances des paysans pauvres et interdit la mise en esclavage de citoyens athéniens pour dettes, mais il refusa de procéder à la redistribution des terres que lui demandaient ceux qu’il appelait les « méchants » (les paysans pauvres). La propriété foncière restait donc concentrée dans les mains de l’aristocratie, les « bons ». Le recours à la main-d’œuvre servile continua pour sa part, et les esclaves ruraux d’origine athénienne furent simplement remplacés par des esclaves-marchandise capturés lors des guerres contre les autres cités ou achetés à des marchands.
Le tyran Pisistrate nous offre un autre exemple. Durant son règne, qui dura de 561 à 527, il créa les juges des dèmes (magistrats rattachés à une circonscription et jugeant les litiges entre citoyens), dépossédant ainsi ses concurrents aristocrates de l’une de leurs prérogatives traditionnelles. Mais les tromperies rocambolesques par lesquelles il prit le pouvoir par trois fois (son règne fut entrecoupé de deux exils) sont là pour démontrer qu’il n’avait pas une grande considération pour le demos.[11]
Concernant le principe même du système démocratique, la mise en place progressive d’institutions de plus en plus égalitaires sur le plan politique pour les citoyens athéniens, y compris le système du tirage au sort, n’a mis en place qu’une égalité virtuelle. Les aristocrates continuaient à prospérer et à dominer la vie politique athénienne tandis que les thètes participaient peu aux institutions, trop occupés à survivre par leur petite production artisanale ou par leur travail salarié. Le perfectionnement du système démocratique nécessita de plus l’exploitation de cités plus faibles et une importante utilisation d’esclaves, notamment dans les mines d’argent.

De nos jours, le capitalisme pourrait donc très bien s’accommoder d’un mode de gestion politique comprenant une boulè et une ecclésia, car ses fondements sont ailleurs. Il est compréhensible que ce type d’idéal politique puisse séduire la petite bourgeoisie et les travailleurs ayant un certain niveau d’études. Face au déclassement qui frappe actuellement ces catégories, il offre un espoir de reconnaissance sociale et une de gratification symbolique sans danger pour la propriété privée et favorisant ceux qui ont eu accès à l’instruction. Il serait en revanche plus problématique que la masse des exploités qui n’ont rien à y gagner succombe à ce genre de discours.

M.

 

[1] Toutes les dates se rapportant à la période antique seront considérées comme avant ­Jésus-Christ dans la suite du texte.
[2] Un grand nombre de manuels d’histoire ancienne permettent cela. Nous nous sommes appuyés sur celui de Claude Orrieux et Pauline ­Schmitt Pantel, Histoire grecque, Paris, PUF, 1995.
[3] Périclès s’appuyant sur les citoyens pauvres, il est possible qu’il ait voulu écarter de la citoyenneté les fils de ses rivaux aristocrates, dont un certain nombre avaient tendance à prendre une femme originaire d’une autre cité.
[4] Raymond Descat, Esclave en Grèce et à Rome, Hachette littératures, 2006, p. 67-71
[5] Les aristocrates étaient les plus gros propriétaires terriens et aussi éventuellement les grands marchands et les propriétaires de mines.
[6] C’est d’ailleurs ce que signifie l’isonomie proclamée par Clisthène : l’égalité des citoyens devant la loi (iso, même, nomos, loi).
[7] D’abord parmi les trois classes supérieures, puis après Périclès parmi tous les citoyens.
[8] Magistrature qui avait cependant perdu en importance au profit… de celle de stratège !
[9] Thucydide, V, LXXXIX
[10] Thucydide, II, LXV
[11] Aristote fit le récit 250 ans plus tard des ruses assez improbables, avouons-le, de Pisistrate. La première fois, Pisistrate prétendit devant l’assemblée avoir subi une tentative d’assassinat. Avec les trois cent gardes du corps que la cité lui accorda il prit le pouvoir. La deuxième fois, il fit croire au peuple que c’était la déesse Athéna elle-même qui le ramenait dans la cité sur un chariot. La troisième fois, pendant qu’il invitait les citoyens à écouter un discours, ses hommes volèrent et cachèrent toutes les armes de la cité. (Aristote, Constitution d’Athènes, XIII à XIX)

En bref [Spasme n°13]

Avant que ça recommence…
Pensez à vous désinscrire des listes électorales !

Situation pénible, parfois honteuse, mais pourtant si fréquente : vous avez la malchance d’être inscrit sur les listes électorales de votre commune ! Que faire ? La désinscription n’est pas une possibilité administrative existante, une fois que c’est fait, c’est fait (pas la peine de vous rendre au bureau des inscriptions de votre mairie, on vous prendra pour un extraterrestre ou un radicalisé et vous risquez de finir en HP ou au poste).
Vous pouvez déménager en espérant qu’on ne vous retrouvera pas… ou bien, plus simplement, et c’est notre conseil, renvoyer systématiquement tous les courriers liés aux élections (carte d’électeur, tracts, etc.) en indiquant sur l’enveloppe « NPAI » (n’habite plus à l’adresse indiquée). La mairie finira par vous radier ou vous enverra un courrier recommandé vous demandant de prouver que vous résidez bien à cette adresse (vous n’aurez alors qu’à la renvoyer comme les autres) ; ça peut être long mais ça en vaut la peine.
Note : l’inscription sur les listes électorales a comme autre désavantage le fait de pouvoir être désigné, par tirage au sort, comme juré d’assises (désignation qu’on ne peut théoriquement pas refuser).

 

Austérité heureuse

Françoise Nyssen a été nommée ministre de la Culture du gouvernement d’Édouard Philippe. Proche du mouvement ésotérico-sectaire de l’anthroposophie fondé par Rudolf Steiner, elle était depuis 2015 membre de conseil d’administration de l’université d’Avignon. Étrange coïncidence, un diplôme universitaire basé sur la « pédagogie » Steiner était apparue dans la foulée. Placée sous la responsabilité du président Philippe Ellerkamp lui-même (visiblement friand de ces thèses), la formation semble ne pas avoir été reconduite pour la rentrée 2017.
Mais Françoise Nyssen est aussi et surtout la patronne des éditions Actes Sud, qui publient les livres de Pierre Rabhi, également proche de l’anthroposophie. La collaboration va plus loin puisque Cyril Dion, le co-réalisateur du film Demain, césarisé en 2016, et membre du « cercle de pilotage » du mouvement de Pierre Rabhi, Les Colibris, est aussi directeur de la collection « Domaine du possible » dans cette maison d’édition.On mesure le degré de subversion de cette mouvance prêchant la « sobriété heureuse », la non-violence béni-oui-oui et appelant de manière très moralisatrice « à faire sa part » avec la nomination de l’une de ses cadres dans le gouvernement d’un président qui s’est fait élire en assumant plus que jamais sa défense du capitalisme et qui veut inscrire l’état d’urgence dans le droit commun…

 

Quand le PAP débarque chez les papes

Le 24 mars dernier, une rencontre d’une ambition verdoyante (à couper le souffle des derniers électeurs EELV avignonnais ayant survécu à l’abattage des platanes) s’est tenue dans la fastueuse salle du Conclave du palais des Papes une rencontre des « Paysages de l’après-pétrole » (PAP). Il s’agissait de phosphorer sur une ville sans pétrole… ou plutôt, pour être un peu plus terre à terre, de s’émoustiller sur les nombreuses initiatives mises en œuvre par la mairie pour contenter les bobos du centre-ville en manque de nature : coulée verte du futur TRAM, pistes cyclables, végétalisation participative pour limiter les pics de chaleur, soutien actif aux agriculteurs de la ceinture verte et de la Barthelasse en privilégiant les circuits courts dans les cantines… figuraient parmi les exemples que l’on pouvait lire sur le programme. Telle la fable du colibri qui verse une goutte d’eau sur l’incendie, si chère aux adeptes du mouvement de Pierre Rabhi, la Ville d’Avignon voulait montrer qu’elle aussi « faisait sa part ». Sans vouloir minimiser les nobles ambitions de Cécile Helle et de son équipe et crier au green washing, il convient tout de même de relativiser les effets d’une jardinière de pétunias ajoutée sur le balcon de la mairie pour faire face au réchauffement climatique… car, bien au-delà de l’enceinte papale, les derniers paysans cultivant les terres agricoles de la ceinture verte coincées entre la Durance et la route de Marseille se préparent pourtant à un paysage d’une tout autre nature dessiné et planifié par ces mêmes élus… Grâce à un nouveau tour de table des collectivités impliquées dans la LEO (Liaison Est-Ouest ou projet routier de contournement de la ville par le sud via une 2×2 voies), notre mairesse s’exclamait sur son compte Facebook le 28 septembre dernier : « J’avais fait de la LEO une priorité de mon programme électoral et je me réjouis de cette concrétisation », suite à son annonce du bouclage du budget pour lancer les travaux de la tranche 2 dès 2018… Il semblerait bien que notre papesse drapée de vert coupera donc bientôt les vivres des bobos du centre-ville par des coulées de pétrole sur les derniers légumes cultivés au sud de la ville. Mais peut-être est-ce cela, les paysages de l’après-pétrole de nos schizophrènes politiques… la famine ? !

 

Le chiffre du Moi : 6,25 %

C’est le taux minimum d’ancêtres originaires d’Afrique que le collectif « afroféministe » Mwasi, initiateur du très médiatique festival Nyansapo qui se déroule du 28 au 30 juillet à Paris, estime nécessaire pour qualifier une personne d’« Afro-descendante ». Via la rubrique « FAQ » de son site le collectif renvoie en effet sur une page internet qui dit ceci :
« Qu’est-ce qu’un Afro-descendant ? Une personne née hors d’Afrique, mais ayant des ancêtres nés en Afrique subsaharienne en nombre suffisamment important pour que cela ait une incidence sur l’apparence ou la culture de cette personne.
Pour que les ancêtres nés en Afrique subsaharienne aient une incidence sur l’apparence, (le phénotype) d’une personne, il faut qu’ils représentent plus de 6,25 % du total des ancêtres (1/16e ou 4 générations). En-deçà, l’ascendance n’est évidemment pas décelable. Mais une ascendance subsaharienne infime peut néanmoins avoir une importance culturelle. On pourrait dire, pour simplifier, qu’un Afro-descendant est une personne dont un des grands parents au moins a ou avait un phénotype pouvant évoquer l’Afrique subsaharienne. »
Le collectif ne s’arrête pas là. Plus loin dans la même rubrique on trouve la perle suivante :
« ce n’est pas le fait de parler de race qui est raciste mais le fait de les hiérarchiser entre elles… nuance. »
Décidément, le courant autoproclamé de « l’antiracisme politique » auquel se rattache Mwasi est plein de surprises ! Combattre le racisme en revendiquant de bonnes vieilles appartenances raciales définies sur la filiation et des critères biologiques, il fallait y penser !

 

Clap de début ?

Nous avons déjà fait allusion dans plusieurs de nos articles au phénomène d’« ubérisation » de l’économie, qui permet à des entreprises de rétablir le travail à la tâche en ayant recours à des travailleurs en apparence indépendants mais qui dans la pratique leur sont subordonnés. Ce salariat déguisé et ultra-précaire (le travailleur cumule les désavantages du salariat et de l’autoentrepreneuriat) se développe principalement dans le domaine des services commandables par le biais d’applications sur smartphone. Depuis un an environ, c’est le secteur de la livraison de repas à domicile par des coursiers à vélo qui connaît un boom avec deux principaux concurrents : Deliveroo et Foodora. Port obligatoire d’un vêtement et d’un sac siglé au nom de l’entreprise, baisse progressive du prix des courses, pressions diverses de la part des managers, ruptures arbitraires de contrat, petit à petit des livreurs ont commencé à comprendre ce que signifient les mots « indépendance » et « fléxibilité » dans la langue du capital. À Paris, certains ont donc monté depuis quelques mois le Collectif des livreurs autonomes de Paris afin de se défendre face à leurs employeurs. Affaire à suivre !
(https://www.facebook.com/clap75/)

Chronologie de la révolte en Guyane au printemps 2017

Cette chronologie vient compléter l’article « Révolte en Guyane : La possibilité d’une île ? » du Spasme n°13 (été 2017).

Mercredi 15 février

Première apparition du collectif des « 500 Frères contre la délinquance » à Cayenne. 80 hommes cagoulés partent du quartier d’Eau Lisette (où un habitant a été tué le samedi précédent) en direction de la préfecture. Une délégation (à visage découvert) est reçue.

Vendredi 17 février

Les 500 Frères et le collectif Tròp Violans font visiter au directeur de cabinet du préfet le quartier d’Eau Lisette et les squats de migrants « où l’on sait que les bandits se réfugient ».

Mercredi 22 février

Première manifestation à l’appel des 500 Frères : plusieurs centaines de personnes défilent dans Cayenne. Une délégation est reçue par le président de l’assemblée de Guyane puis par la Chambre de commerce.

Vendredi 3 mars

Les collectifs des 500 Frères, Tròp Violans et les Iguanes de l’Ouest rencontrent le préfet et le commandant de la gendarmerie de Guyane pour parler de la délinquance.

Vendredi 10 mars

Préavis de grève déposé par l’UTG-CGT de l’Éclairage pour le lundi 20 mars.

Jeudi 16 mars

Arrivée de Ségolène Royal.

Vendredi 17 mars

Les 500 Frères et Tròp Violans se joignent au mouvement des socioprofessionnels. Ils sont présents devant la Chambre de Commerce et d’Industrie, mais aussi devant les consulats du Surinam, du Guyana et d’Haïti à Cayenne (pour demander l’extradition des délinquants étrangers).

Le groupe portant cagoule pénètre de force dans la salle de délibérations de la Collectivité territoriale de Guyane, à Cayenne où Mme Royal préside la conférence internationale de la Convention de Carthagène pour la protection du milieu marin de la région des Caraïbes. Ils lui demandent d’agir pour « arrêter la violence ».

La Ministre repart en métropole le soir même, écourtant son séjour de 24 h.

Lundi 20 mars

Dans le cadre d’un appel national des syndicats du groupe Endel (filiale d’Engie), grève des salariés de la société Endel sur le centre spatial ; ils réclament la réouverture des négociations annuelles obligatoires (NAO), la revalorisation des salaires de base de 30 euros et une revalorisation des primes de départ à la retraite.

Le rond-point donnant accès du site est bloqué par le collectif des Toukans et les grévistes d’EDF.

Des agriculteurs bloquent la Direction de l’alimentation de l’agriculture et de la forêt ; ils demandent le paiement immédiat de l’ensemble des mesures du programme de développement rural de Guyane, la suppression du besoin de l’assurance maladie des exploitants agricoles pour l’obtention de la dotation jeune agriculteur, le rétablissement de la cession de créance, et le versement des aides en retard… ).

L’Union guyanaise des transports routiers (UGTR) bloque le port de Dégrad des Cannes. Elle dénonce l’arrivée sur le port de trois camions toupies destinés à travailler sur le chantier d’Ariane-6. Selon Dominique Mangal, président de l’UGTR, un deal avait été conclu avec le centre spatial au moment de l’octroi du marché à Eiffage, le groupe européen de la construction et de la concession. « Le fait d’avoir octroyé la seconde phase du chantier d’Ariane-6 à Eiffage, nous les transporteurs locaux, ça nous a mis au chômage, explique-t-il. On a accepté la concurrence mais on a demandé au centre spatial de ne pas faire venir de camion qui ont la même capacité que les nôtres. » Cet accord ne serait pas respecté.

À Cayenne, les syndicats de la régie de transport de bus, FO et la CFDT, déposent un préavis pour mardi 21 (suite à un incident survenu la semaine précédente entre des salariés et le directeur de la régie).

Au CMCK, l’UTG a déposé un préavis de grève à partir de dimanche.

Le conseil municipal de Kourou apporte son soutien aux manifestants.

Mardi 21 mars

Annulation du tir d’Ariane 5.

Les 500 Frères arrivent à Kourou pour prêter main-forte au barrage devant le centre spatial. Accompagnés d’élus, ils tentent de pénétrer dans l’enceinte de la base spatiale pour obtenir un entretien avec le directeur mais sont repoussés par les Gardes mobiles qui font usage de gaz lacrymogènes.

Début de la grève des agents de la RTC (Régie Communautaire Transport) (UGT, CFDT-CDTG et FO) de communauté d’agglomération du Centre littoral (CACL) ; aucun bus ne circule.

Le syndicat UTG de la Caf dépose un cahier de revendications et un préavis de grève pour le lundi 27.

Mercredi 22 mars

Conseil d’administration extraordinaire de l’UTG (Union des travailleurs guyanais) : un soutien au mouvement est décidé, ainsi qu’une « journée de mobilisation » le vendredi 24 mars.

L’UTG de l’enseignement décide de la grève à compter du lundi 27 mars.

Dans la soirée, un accord satisfaisant les revendications des grévistes a été trouvé entre les syndicats et la direction d’Endel-Engie (mais par solidarité avec le mouvement et notamment les grévistes d’EDF, le travail ne reprendra pas).

Dans la nuit, la coordination de Kourou rejointe par les 500 Frères et les socioprofessionnels décident de bloquer le pays.

Jeudi 23 mars

Une quinzaine de barrages routiers sont dressés (notamment devant la préfecture et sur la route menant à l’aéroport). Sur injonction des 500 Frères, tous les commerces de Cayenne ainsi que la mairie ont fermé leurs portes.

Le rectorat annonce la fermeture des établissements scolaires « jusqu’à nouvel ordre », les « bonnes conditions d’accueil des élèves et des personnels n’étant pas assurées ». Le Rectorat et l’Université seront aussi fermés.

À Saint-Laurent-du-Maroni, un barrage sauvage est mis en place par « des jeunes » ; la situation y est tendue et l’on parle de racket des automobilistes. Le maire et des militants des Iguanes de l’Ouest interviennent pour le faire lever.

Une dizaine de barrages « sauvages » ou « spontanés » sont constitué dans certains quartiers de Cayenne et de Kourou ; des affrontements ont lieu entre gardes mobiles et jeunes qui jettent des pierres et incendient des poubelles et des pneus ; dans la nuit des automobilistes sont attaqués et dépouillés.

Premières annulations de vols longs courriers entre Paris et la Guyane.

Première réunion du collectif Pou Lagwiyann dékolé rassemblant 19 collectifs, centrales syndicales et organisations professionnelles (le 28 mars le nombre sera porté à 39).

Vendredi 24 mars

Les agriculteurs aspergent de lisier de porc la préfecture.

Manifestation de l’ensemble des élus guyanais derrière le drapeau guyanais du centre-ville de Kourou jusqu’au barrage du Centre spatial.

Les rayons des centres commerciaux se vident et stations services sont « prises d’assaut ».

Le préfet dénonce l’existence la dizaine de barrages « sauvages » de la veille, source de « rackets ». Il ordonne aux forces de l’ordre de les « éradiquer » s’ils sont à nouveau érigés ; « seuls les barrages dressés par les collectifs seront maintenus ».

Samedi 25 mars

Le Conseil national de l’UTG réunissant 37 syndicats votent à la quasi-unanimité la « grève générale illimitée » pour lundi.

Les travailleurs du GPAR (groupement pétrolier) de l’aéroport entrent en grève. Ils demandent le rétablissement du dialogue social, l’établissement d’un pôle technique et la formation d’un technicien pour assurer la maintenance du dépôt ainsi que le renforcement de l’effectif avec l’embauche de deux agents travaillant actuellement en interim.

Arrivée d’un délégation interministérielle composée de hauts fonctionnaires ; le collectif Pou Lagwiyann dékolé refuse de la rencontrer.

Dimanche 26 mars

Une levée transitoire des barrages est décidée pour permettre aux Guyanais de se ravitailler.

L’UGTR décide de débloquer deux citernes de kérosène afin de permettre le transport sanitaire par avion entre l’hôpital et l’aéroport.

Lundi 27 mars

Réouverture de la quasi-totalité des stations-service (elles ont pu être ravitaillées hier car les collectif ont laissé passer les camions citerne).

Début de la «  grève générale illimitée ».

Manifestation de lycéens à Saint-Laurent du Maroni.

À la chapelle de Soula, une messe est organisée en l’honneur des 500 Frères.

Mardi 28 mars

Manifestation d’une ampleur historique en Guyane (8 000 à 20 000 personnes à Cayenne, 3 500 et 5 000 à Saint-Laurent-du-Maroni).

Journée « ville morte » à A Cayenne, le collectif des 500 Frères a incité « fermement » les commerçants, la mairie et les banques à fermer leurs portes.

Le Premier ministre Bernard Cazeneuve annonce l’envoi des ministres des Outre-mer et de l’Intérieur en Guyane.

Mercredi 29 mars

Le ministres des Outre-mer Ericka Bareigts et le ministre de l’Intérieur Mathias Fekl arrivent en Guyane.

Jeudi 30 mars

Début des négociations à la préfecture entre les ministres et le collectif Pou Lagwiyann dékolé ; l’ambiance est lourde et la foule massée devant le bâtiment. La ministre des Outre-mer adresse depuis le balcon ses « excuses » au « peuple guyanais ».

Vendredi 31 mars

À l’issue d’une rencontre entre Pou Lagwiyann dékolé et les élus, il a été décidé que les élus ne signeraient aucun document avec l’État tant que le collectif ne l’a pas signé. Le collectif annonce que tout accord avec le gouvernement devra obtenir une approbation populaire avant signature.

La gendarmerie et Parquet constatent une nette baisse des braquages et vols avec violence depuis une dizaine de jours.

Samedi 1er avril

Une manifestation d’agriculteurs se dirigeant vers la préfecture est bloquée par la police. Les 500 Frères interviennent et se portent « garants » qu’il n’y aura « pas de débordements » ; la manifestation peut s’approcher de la préfecture.

Les ministres annoncent un plan d’urgence de 1,085 milliard d’euros d’engagements de l’État et des accords sectoriels.

Des négociations par ateliers thématiques entre le collectif Pou Lagwiyann dékolé et la délégation ministérielle débutent.

Un militant du syndicat UTG-énergie appelle à des discussions sur un nouveau statut pour la Guyane.

Le centre spatial demande à Eiffage qu’il renvoie les camions-toupies (bloqués depuis le 20 mars) dans l’Hexagone.

Dimanche 2 avril

Le collectif Pou Lagwiyann dékolé refuse la proposition d’un milliard d’euros du gouvernement français et exige 2,5 milliards d’euros supplémentaires.

L’UGTR affirme avoir levé le barrage devant le port dans la soirée mais les dockers sont toujours en grève.

Lundi 3 avril

Journée « ville morte » ; les 500 Frères font fermer toutes les boutiques de Cayenne.

Beaucoup de stations-service sont fermées faute de carburant.

En partenariat avec les Jeunes agriculteurs, plusieurs « marchés solidaires » sont organisés pour aider la population (l’opération sera renouvelée plusieurs fois par semaine et dans différentes communes jusqu’à la fin du mouvement).

Mardi 4 avril

Journée « ville morte ». Manifestation de 7 000 à 10 000 personnes encadrée par les 500 Frères en direction du centre spatial de Kourou. Une délégation est reçue mais elle refuse de repartir et occupe symboliquement les lieux. Tous les barrages sont ouverts pour permettre à la population de se rendre à la manifestation de Kourou.

Mercredi 5 avril

Le conseil des ministres valide le plan d’urgence, les manifestants quittent le centre spatial.

Jeudi 6 avril

Grève des pompiers de l’aéroport empêche tout transport aérien ; la grève cesse après un accord.

Dans le centre de Cayenne, la plupart des magasins rouvrent leurs portes

Les agriculteurs lèvent leur blocage de la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et des forêts après avoir obtenu satisfaction de leurs revendication le week-end dernier.

Le Medef Guyane dit ne pas se désolidariser du mouvement mais invite les entreprises « à reprendre immédiatement le travail ». Il ne demande pas la levée des barrages mais un aménagement pour permettre aux salariés de travailler. Mais n’adhère plus « à la nouvelle orientation que prend le mouvement, qui brouille le sens initial de l’action » (allusion au sit-in au centre spatial, dans la nuit de mardi à mercredi). Il évoque « une nouvelle phase de dialogue afin de définir un vrai plan de développement pour la décennie à venir » et il se dit prêt à « engager cette phase de discussion avec le gouvernement ».

Stéphane Lambert, patron du MEDEF Guyane a parlé au nom du pôle Économie du collectif Pou Lagwiyann dékolé. Évoquant des « avancées significatives » sur certains points tels que les cotisations sociales étalées ainsi que le RSI et un prêt d’honneur de 25 000 euros, il a déploré l’absence de réponses sur d’autres points pourtant signés dimanche avec la délégation ministérielle comme le pacte fiscal et social, concluant que ce qui est acté (4 à 5 millions d’euros) c’est « peanuts » alors que le reste (200 millions/an) est renvoyé à plus tard : « on a beaucoup d’espoirs mais peu de choses ».

Plusieurs voix s’élèvent parmi les élus pour appeler à la fin des barrages (notamment le maire de Cayenne).

Vendredi 7 avril

Réunion de la fédération des TPE à la CCI à destination des chefs d’entreprise impactés par le mouvement ; plus de 400 personnes présentes. Alors que certains ont mis leurs salariés en congés (avec leur accord), la CCI conseille de recourir au chômage partiel (plus de 450 dossiers de demande sont traités en quatre jours).

Manifestation devant la préfecture où le collectif Pou Lagwiyann dékolé a demandé audience. Devant le refus du préfet, les orateurs dénoncent la situation et placent la suite des événements sous la protection divine. Agenouillés, tous entonnement un chant religieux… Un petit groupe (principalement des membres des 500 Frères) tente de forcer la porte de la préfecture, bousculade, quelques jets de pierres et de grenades lacrymogène : deux commissaires sont blessés.

L’État s’engage à un gel des cotisations patronales jusqu’au mois de septembre.

Samedi 8 avril

Les barrages sont ouverts ce week-end.

Les chefs des 500 Frères apportent des fleurs au policier blessé qui est à l’hôpital.

Lundi 10 avril

Des barrages supplémentaires sont érigés ; ils sont désormais fermés la nuit (jusqu’ici ils étaient ouvert de 22 h à 4 h). L’idée envisagée durant le week-end de fermer totalament les barrages (y compris aux piétons, vélos et scooters !) a été abandonnée.

Hollande appelle à lever les barrages et se dit prêt à recevoir les parlementaires guyanais ; ces derniers refusent.

Mardi 11 avril

100 à 200 de personnes manifestent à Kourou contre les blocages ; à la gendarmerie ils déposent une main courante pour entrave à la circulation.

Mercredi 12 avril

Au port, un porte-conteneur accoste ; c’est le premier depuis début du mouvement. Quarante dockers sont réquisitionnés par le préfet pour débarquer dix containers de matériel médical et pharmaceutique.

À Cayenne, manif d’une centaine de personnes contre les barrages.

Jeudi 13 avril

Assemblée générale du collectif Pou Lagwiyann dékolé. Le pôle Économie (patronat) demande « la levée les barrages routiers ».

Incertitudes sur plusieurs barrages que les transporteurs routiers ont quitté. Version officielle : « des nouveaux camions ont été amenés, le barrage a été réorganisé pour que les transporteurs qui avaient fourni leurs camions pour le barrage jusque là puissent de nouveau un peu travailler et soient remplacés par d’autres ».

Tout les barrages seront ouverts jusqu’à nouvel ordre (mais pas levés) sauf celui du centre spatial.

Mikael Mancée porte-parole du collectif explique que l’« on peut circuler, en cette période culturelle forte pour la Guyane » (le week-end pascal est un moment très suivi par la population guyanaise).

Le collectif Pou Lagwiyann dékolé refuse d’envoyer une délégation à Paris.

Manifestation de 300 lycéens et étudiants qui se termine par un concert devant le rectorat.

Début des vacances scolaires de Pâques (jusqu’au 2 mai)

L’hôpital de Cayenne annonce la fermeture d’un service de chirurgie en raison du manque d’effectifs lié au mouvement social.

Vendredi 14 avril

L’agence régionale de santé de Guyane (ARS) demande aux hôpitaux et cliniques du territoire de déclencher leur « plan blanc » en raison de la « situation de tension préoccupante » qu’ils connaissent (il s’agit de protocoles prévus à l’avance par les autorités de santé pour faire face à ces situations exceptionnelles ; ils prévoient la coordination entre les services d’urgence, un renforcement des moyens de communication et de coordination, mais aussi la réquisition des personnels médicaux et hospitaliers).

Tensions au sein du collectif, les transporteurs sont à deux doigts de retirer leurs camions des barrages de Cayenne.

Dans la nuit, tentative d’incendie du centre des finances publiques de Cayenne.

Samedi 15 avril

L’activité au port du Dégrad-des-Cannes reprend lentement durant le week-end. Un navire est arrivé au port et a pu décharger ses 80 conteneurs grâce au personnel du port qui avait passé les barrages.

Tensions au sein du collectif Pou La Gwiyann Dékolé entre le porte-parole Mikaël Mancé et le « coordinateur des barrages » Bertrand Moukin (également dirigeant de l’UGTR).

Dimanche 16 avril

Le « Comité de Pilotage » du collectif travaille sur un « projet d’Accord de Guyane à l’adresse du Président de la République »,

Lundi 17 avril (jour férié)

Après un week-end de réunion le collectif Pou La Gwiyann Dékolé annonce une réorganisation : c’est désormais un groupe stratégique qui dirige le collectif. Il est composé d’un référent pour chaque pôle) :

Porte parole : Mickaël Mancé, policier en disponibilité, porte parole du collectif des 500 Frères

Référents pôle sécurité : Olivier Goudet de l’asociation Tròp Violans et José Achille, fondateur du collectif des 500 Frères.

Référente pôle justice : Magali Robot-Cassildé, avocate et bâtonnier du barreau de la Guyane.

Référent pôle santé : Guy Frédéric, président du collectitf Santé et respect des droits pour tous.

Référent pôle éducation : Georges Pindard, professeur en sciences des vies et de la terre.

Référent pôle énergie : Davy Rimane, technicien d’exploitation hydraulique EDF, responsable de la section UTG éclairage.

Référent pôle économie : Gauthier Horth, membre de la Fédération des opérateurs miniers de la Guyane, conseiller territorial d’opposition.

Référente questions des peuples autochtones : Milka Sommer, coordonnatrice de l’Organisation des nations autochtone de Guyane.

Référente pôle foncier : Muriel Marbois, membre du Groupement des association foncières de Guyane.

Référente pôle culture : Hermina Duro, comédienne.

Référente pôle social : France-Aimée Suki, éducatrice spécialisée.

Six experts travaillent à leurs côtés :

Expert ouest guyanais : Manuel Jean-Baptiste, sapeur pompier et représentant du collectif des Iguanes de l’ouest.

Expert économie : Julien Ducas, éleveur et secrétaire général de la FDSEA Guyane.

Expert logistique : Dominique Mangal, président de l’UGTR.

Expert communes de l’intérieur : Anoussa Abienso, agent de développement durable au Parc amazonien de Guyane et porte parole du collectif Lawa.

Expert syndical : Jean-Marc Chemin, secrétaire général de l’UTG.

Expert juridique : Djemetree Guard, membre du collectif Citoyennes, citoyens.

Fermeture des barrages dans la soirée.

Mardi 18 avril

Les barrages sont remis en place, mais ils sont le plus souvent constitués de palettes et pneus car une bonne partie des transporteurs ne sont plus mobilisés et ont quitté les barrages avec leurs camions. Les affrontements verbaux sont de plus en plus nombreux entre bloqueurs et usagers. Des membres des 500 Frères sont désormais présents sur chaque barrage.

À Cayenne, réouverture de tous les services municipaux administratifs et techniques.

Communiqué du pôle économie contre le nouveau « projet d’Accord de Guyane » du collectif Pou Lagwiyann dékolé (peut-être parce que s’y trouve demandé l’évolution statutaire du territoire ?).

Mickael Mancée, le très populaire porte-parole du mouvement se retire des différents collectifs car il est en désaccord avec la stratégie des barrages.

Incendie volontaire du transformateur électrique qui alimente la base de loisir gérée par Denis Burlot (élu à la Mairie de Kourou et à la CTG, il avait initié la manifestation du 11 avril contre les barrages).

Mercredi 19 avril

À Kourou quatre barrages ont été réinstallés pour bloquer les entrées et les sorties de la ville. Le collectif des Toukans, les grévistes du CMCK et d’EDF érigent un nouveau barrage qui bloque l’accès à la zone industrielle (tension avec des automobilistes et des chefs d’entreprise).

Le Pôle économie se met « en retrait » du collectif Pou Lagwiyann dékolé.

Dans un communiqué, le collectif des Autochtones de Guyane critique le collectif Pou la Gwiyann Dekolé et le projet d’accord en négociation / il se retire du collectif et négociera désormais directement avec l’État.

Le ministre des Outre-mer expose le nouveau protocole d’accord proposé par le gouvernement au Collectif Pou Lagwiyann dékolé : il acte le « Plan d’urgence pour la Guyane » d’1 milliard d’euros et prévoit « la validation des 15 accords thématiques » signés dans la nuit du 1er au 2 avril. De plus, l’État s’engage à ce que les mesures supplémentaires de 2 milliards d’euros demandées par les élus et le Collectif « fassent l’objet d’un examen prioritaire ».

Séances de soutien scolaire pour les élèves au barrage du rectorat.

Jeudi 20 avril

Journée « ville morte » (en théorie).

Vendredi 21 avril

Un accord est signé par par le collectif Pou Lagwiyann dékolé, les parlementaires guyanais, les présidents de la collectivité territoriale de Guyane et de l’association des maires et par le préfet (représentant le Gouvernement). Il met fin au mouvement social.

Les barrages sont progressivement levés à partir de 12 h.

Réouverture du port de commerce de Rémire-Montjoly, près de Cayenne.

Samedi 22 avril

La circulation des bus reprend normalement

Reprise d’une activité normale au centre spatial.

Dimanche 23 avril

Jets de quatre cocktails Molotov contre le domicile du directeur d’EDF Guyane.

Perturbations à l’aéroport de Cayenne (avions détournés) car, en raison des blocages, il n’y a pas assez de personnel de lutte anti-incendie pour assurer la sécurité.

Lundi 24 avril

À EDF il y a toujours entre 15 et 30 % de grévistes qui désormais occupent trois sites au lieu d’un ; ils demandent que soit pourvu 84 postes vacants ainsi que le paiement des jours de grève. Les grévistes bloquent l’hôtel Royal Amazonia à Cayenne où s’est réfugiée la direction depuis le début du mouvement

Reprise du ramassage des déchets.

Conférence de presse des 500 Frères [la branche dure] : « Lorsque nous avons eu à manifester dans la ville, à aucun moment les 500 Frères n’ont eu de pratique de la violence. Nous avons toujours été pour le calme, nous avons toujours été du côté de l’État, en évitant que la population se soulève contre l’État ».

Mardi 25 avril

Au centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne (CHAR) une partie du personnel est toujours en grève à l’appel de l’UTG santé (80 mobilisés sur 2 000 personnels) ; ils réclament des effectifs et du matériel supplémentaires, ainsi que de meilleures conditions de travail.

Les travailleurs du GPAR (groupement pétrolier) de l’aéroport poursuivent la grève. Des appareils de la compagnie AIR GUYANE EXPRESS n’ont pas pu être ravitaillés en carburant.

Mercredi 26 avril

Conférence de presse confirmant la scission au sein du collectif des 500 Frères. Naissance de l’association des Grands Frères dirigée par José Achille, Serge Mortin (le gérant d’une boîte de sécurité) et Mikael Mancée tout trois récemment exclus des 500 Frères. Ils souhaitent mettre en plce un système de grands frères dans les quartiers de Cayenne pour faire du travail social et limiter la délinquance. L’association qui revendique 90 % des 500 Frères (une soixantaine sont présents) s’oppose à la minorité des 500 Frères (dont le président Stéphane Palmot ) qui, suite aux affrontements devant la préfecture, voulait durcir le mouvement et augmenter le nombre des barrages. Elle dénonce le fonctionnement de moins en moins démocratique au sein du collectif des 500 Frères qui, d’ailleurs, devaient se dissoudre après le mouvement.

Jeudi 27 avril

Le GPAR reprend le service minimum afin de ne pas pénaliser les élèves qui doivent reprendre les cours mardi 2 mai (les avions assurant les vols intérieurs peuvent être ravitaillés).

Des grévistes d’EDF prennent le contrôle des deux sites qui pilotent l’alimentation électrique du territoire et provoquent des coupures de courant.

Vendredi 28 avril

Les syndicats UTG et CDTG-CFDT de Degrad-des-Cannes menacent de bloquer le port à partir de mardi.

Les agents hospitaliers manifestent jusque devant la Préfecture.

EDF Guyane saisi la justice en référé pour que les grévistes quittent les sites occupés ; le juge des référés ordonne la levée des blocages avec une astreinte pour l’UTG de 10 000 euros par jour et par site occupé.

Samedi 29 avril

Coupures de courant organisées par l’UTG.

Mardi 2 mai

Des coupures de courant organisées par l’UTG privent de courant 40 % des habitants.

Mercredi 3 mai

Le port de Cayenne est paralysé par une grève des dockers de l’UTG en soutien à leurs camarades d’EDF.

Jeudi 4 mai

Tir d’une fusée Ariane 5.

Lundi 8 mai

Après trois jours de négociation, signature d’un protocole d’accord entre EDF et l’UTG-Éclairage mettant fin à sept semaines de grève. La direction n’a pas accordé les 84 postes réclamés mais s’engage à embaucher (sans préciser plus), et accorde le paiement de cinq jours de grève.