En bref

Le RSA en échange de bénévolat : on est pas passé loin !

Pas de chance pour Éric Straumann, député Les Républicains et président du département du Haut-Rhin. Saisie par l’État, la justice a retoqué son projet d’obliger les bénéficiaires du RSA de son département à effectuer des heures de bénévolat en échange de leurs allocations. Lui qui faisait déjà contrôler leurs relevés bancaires, il va donc devoir calmer un peu son ardeur à combattre « l’assistanat ».
Cependant, ne crions pas victoire trop vite car son idée est dans l’air depuis un moment. Le département de la Drôme applique déjà ce type de mesure, mais de manière uniquement incitative pour l’instant. Depuis le printemps 2016 , il mène une campagne d’affichage ayant pour slogan « Le bénévolat pour sortir du RSA » et vantant une « solidarité GAGNANT-GAGNANT » entre les bénévoles et les associations.
Après avoir réduit, voire coupé, les subventions de nombreuses associations, leur rendant impossible toute embauche, les départements veulent désormais leur fournir une main-d’œuvre certes gratuite, mais contrainte. Et pour ceux qui croiraient qu’être au RSA c’est la belle vie, qu’ils aillent faire un tour dans les files d’attente de la CAF pour se faire une idée !

Hautes-Alpes : les anti-THT réprimés

Dans les Hautes-Alpes, la lutte contre la THT (Ligne Très Haute Tension) est active depuis plusieurs années mais s’est radicalisée suite au commencement des travaux. Depuis l’année dernière, RTE (Réseau de Transport d’Électricité) a largement déboisé. Déjà la vallée de Haute-Durance est saignée de tranchées et perforée de pylônes et la répression s’abat actuellement sur les opposants-tes au projet. Ces derniers-ères appelaient à un élargissement de la mobilisation et à une semaine d’action dans les Hautes-Alpes et ailleurs du 10 au 17 octobre 2016. Toutes initiatives contre RTE et ERDF (Société de production et de distribution d’électricité) sont les bienvenues où que vous soyez.
RTE dégage, résistance et sabotage !
Plus d’infos sur : http://notht05.noblogs.org.

Valls décide de construire plus de prisons

Répression, béton, matons, c’est comme cela que nous pourrions résumer la décision de Manuel Valls de faire construire 32 nouvelles maisons d’arrêt et un nouveau centre pénitentiaire. Cela part bien entendu de bonnes intentions puisqu’il s’agit de lutter contre la surpopulation carcérale et d’atteindre l’objectif de 80 % d’encellulement individuel. Et tant pis si depuis plusieurs années on constate que cela favorise les suicides…
Cette décision va par ailleurs générer de juteux appels d’offres qui permettront à nos bétonneurs nationaux (Bouygues, Vinci et autres) de se tailler une part dans le magot de 1, 158 milliard d’euros alloués pour 2017 à la construction des neuf premiers établissements. Mais ne soyez pas bégueule, cela va aussi créer de l’emploi : environ 1255 postes, dont 878 de surveillants.
Bon, si vous n’êtes pas convaincus par ces arguments chocs, nous voilà rassurés. Allez donc lire l’interview de Georges Courtois plus loin dans ces pages !

Pas trop le smile chez Smart

Depuis début octobre les salariés de l’usine de voitures Smart de Hambach en Moselle travaillent 39 heures payées 37. Voici donc la conclusion, provisoire on l’espère, d’un feuilleton commencé il y a déjà quelques temps. En 2015, la direction avait proposé à ses employés via un référendum d’entreprise d’accepter de travailler plus en étant payer moins sous peine de voir l’usine délocalisée en Slovénie… Le « oui » l’avait emporté à 56 % mais avec une grosse différence entre cadres et ouvriers. Les premiers ont acquiescé à 74 % et les seconds à seulement 39 %, ce qui a poussé la CGT et la CFDT, majoritaires à elles deux, à poser leur veto concernant l’application des nouvelles mesures. La direction ne s’est pas laissée décontenancer puisqu’elle a « proposé » individuellement aux salariés de signer un avenant à leur contrat. Elle a visiblement été persuasive puisque 95 % d’entre eux ont obtempéré en ratifiant le « Pacte 2020 ». Cet « accord » garantit que les salariés repasseront à 37 heures payées 37 en 2019 puis aux classiques 35 heures en 2020 et qu’il n’y aura pas de licenciement d’ici là. Comme l’énonce un célèbre dicton : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». En attendant nous avons là un parfait exemple de ce qui va devenir habituel avec la loi Travail !

Avignon
La maire d’Avignon vous endort pendant qu’elle bétonne

Vendredi 3 juin 2016, Cécile Helle, maire d’Avignon (avec son équipe PS, FdG et écolos), vous offrait une séance de cinéma gratuite au cinéma le Pandora à l’occasion de la Semaine européenne de l’environnement. Le film projeté n’était autre que le long métrage à succès Demain, qui « fait du bien » à la classe moyenne, mais qui est une vitrine publicitaire pour les thèses réactionnaires de Pierre Rabhi. Rappelons que ce documentaire est réalisé par Mélanie Laurent et Cyril Dion, ce dernier étant membre du conseil d’administration du « Mouvement Colibris », association chargée de diffuser la « bonne parole » de Rabhi.
Pendant ce temps-là, la mairie d’Avignon fait tout son possible pour relancer le projet de construction de la Liaison Est-Ouest qui à partir de 2018 devrait ratiboiser des hectares entiers de la Ceinture Verte (les dernières terres agricoles en périphérie de la ville)…

Pas de Révolution au programme

Le 5 octobre, Sophie Wahnich, chercheuse au CNRS spécialiste de la Révolution française, était de passage à Avignon, au local Le Fenouil à vapeur. Notre envoyé spécial y a glissé une oreille…

Si l’affiche de la soirée annonçait « La Révolution française n’est pas terminée… », l’historienne a axé sa présentation sur le « découragement » des révolutionnaires, prétexte pour, en ces temps difficiles, parler de la révolution au présent. Outre une présentation de Saint-Just et Robespierre en quasi-libertaires, notre spécialiste a surtout expliqué que les institutions démocratiques montrent au « peuple » (les catégories les plus pauvres) qu’il est écouté et qu’il n’a plus besoin de se révolter, c’est-à-dire de faire usage de la violence. La nouvelle classe dirigeante s’en accommodait pourtant très bien lorsqu’elle ciblait l’Ancien régime. Mais la force du langage, donc du politique, doit désormais suffire pour « changer » les choses. Le clivage est à bannir : la démocratie, tout comme la nation, permet d’unir artificiellement la population en un mythique « peuple », assurant en fait, depuis 1789 et jusqu’à nos jours, la domination d’une classe sociale, la bourgeoisie.
Pour Mme Wahnich la république est un horizon indépassable dont l’objectif ne peut être que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen… objectif inatteignable tant il serait radical !
Pour une spécialiste de l’imaginaire révolutionnaire on aurait pu espérer mieux qu’une vision sans cesse bornée par le mot république : en finir avec la Vème république, en bâtir une VIème en s’inspirant et en améliorant la IVème… Du haut de sa chaire et de sa classe, Mme Wahnich ne comprend évidemment pas que si une révolution a lieu demain, il ne s’agira pas de réécrire la constitution mais bien plutôt de foutre en l’air ce régime et ceux qui en profitent. Espérons qu’elle soit surprise.

La chose est devenue sérieuse [Dossier spécial : ni loi, ni travail]

montage-dossier

Notes et questions sur le mouvement contre la Loi Travail

Qui s’attendait à cette mobilisation contre la loi Travail ? À ce moment-là ? Peut-être à une journée de manif sans lendemain, mais pas à des mois d’un mouvement rampant. Mais y a-t-il vraiment de quoi se réjouir ?

Certains ont évidemment trouvé ce mouvement enthousiasmant parce qu’ils ont lutté et y ont pris du plaisir. Causer des nuits entières, casser une vitrine, comploter, humer la lacrymo ou le pneu brûlé à plus pouvoir respirer, rencontrer des copains, des camarades ou des amants, etc., de quoi vouloir que cela ne s’arrête pas… C’est ce que l’on ressent après s’être fortement impliqué dans ce genre de mouvement. C’est ce que ne ressent donc, en général, qu’une minorité. Mais il faut bien le reconnaître, ce coup-ci, cette minorité est bien plus réduite que lors des luttes précédentes.
N’ayant pas d’organisation ou de parti à construire, pas d’échéance électorale en vue, nous n’avons pas besoin de (nous) mentir pour « garder l’espoir » et voudrions ici tenter d’y voir un peu plus clair, du moins sur quelques points.

Et d’abord, pourquoi « ça a pris » cette fois-ci ? La contestation de la loi El Khomri naît dans une ambiance de fin de règne : celle de Hollande, du « socialisme » ou de la démocratie, on ne sait trop. Sombre atmosphère faite de ras-le-bol et de cafard généralisés, de sourde colère de la population, le tout saupoudré d’attentats. Avec une sale impression de voie sans issue, puisque c’est un gouvernement « de gauche » qui met en place les mesures qui font rêver le MEDEF(1). Même ceux qui ont en tête le retrait du CPE il y a dix ans, savent que l’abandon de la loi Travail serait une victoire limitée et provisoire et qu’à partir de 2017 ça sera pire. Il n’y a semble-t-il pas d’espoir, même plus celui d’une victoire de « la gauche »… Et c’est d’ailleurs une grande nouveauté qu’un mouvement de ce type affronte un gouvernement « socialiste »(2), censé défendre les intérêts de ses électeurs (les travailleurs). On aurait pu croire qu’à un an d’une élection le pouvoir voudrait teinter son image d’un soupçon de gauche et que, après quelques passes d’armes avec la CGT, il concéderait une modification superficielle du projet qui pourrait satisfaire la rue. Eh ben non, même pas ! Certaines illusions se dissipent, c’est le point positif, et des dizaines de locaux du PS sont d’ailleurs pris pour cible, dégradés et tagués par des manifestants.

Ils étaient nombreux ce soir là à vouloir poser une question à Frédéric Lordon.

Ils étaient nombreux ce soir là à vouloir poser
une question à Frédéric Lordon.

Des mobilisations

Le mouvement est d’abord caractérisé par une très faible mobilisation qui n’atteindra jamais les niveaux de 2010 ni de 2006, puis par son hétérogénéité en fonction des lieux ou des secteurs d’activité. Dans de nombreuses villes, surtout moyennes, on n’avait jamais vu de mémoire de militants une aussi faible participation… Idem en ce qui concerne les lycées et universités qui ne sont que très peu touchés, en particulier les lycées professionnels qui, en d’autres temps, formaient une large part des cortèges informels, manifs sauvages et débordements.
Manquent aussi les fonctionnaires (non concernés par la réforme contrairement à 2010), les chômeurs et précaires, d’une manière générale la large partie des travailleurs qui subit déjà la précarité (pour eux le Code du travail est déjà contourné) et notamment les habitants des quartiers dits « populaires ».
Mise à part Nuit Debout (ND) qui amalgame autour de noyaux militants une frange perdue de la classe moyenne (dont une part ne fréquente pas les manifestations), la mobilisation concerne principalement les militants et les travailleurs syndiqués, les habituels habitués. De plus, si certains s’opposent aux conséquences de la loi Travail dans leurs branches et si des salariés sont en même temps engagés dans des luttes spécifiques (cheminots par exemple), beaucoup ne viennent aux manifs que pour « exprimer » leur ras-le-bol.

La faible participation entraîne mécaniquement un très faible impact : zéro conséquence sur la production, les flux de marchandises ou de travailleurs… D’où un recours accentué aux actions symboliques, qui le sont de plus en plus, des blocages qui bloquent de moins en moins, une pénurie de carburant qui n’a de réalité que dans les médias, etc. Sans rapport de force avec le gouvernement, les seuls « points forts » restent donc les journées de démobilisation, quatorze, qui se succèdent sur sept mois. La participation fluctue et décroît et, comme à chaque fois, on se dit que quatorze journées de grève d’affilée auraient eu plus de gueule.

CGT mon amour…

Pas plus qu’elle ne trahit les travailleurs (elle fait son job), la CGT ne les manipule à des fins propres. Il n’y a pas de complot ; même s’il existe évidemment des négociations discrètes, des tambouilles internes et des stratégies qui nous échappent et donnent parfois cette impression d’entourloupes (conflits entre confédérations, fédérations ou syndicats, rivalités entre unions locales et départementales, luttes entre tendances, etc.).

En ce début d’année la CGT pâtit d’une image pourrie à cause de l’affaire Lepaon et se trouve en perte d’influence, d’élus et d’adhérents. La base, dont l’aile gauche se renforce, veut un appel à la grève générale, d’autant que la loi Travail comporte des dispositions mettant à mal le rôle des syndicats (notamment l’inversion des normes). La tension est sensible lors du 51ème Congrès confédéral qui se tient à Marseille du 18 au 22 avril 2016.
Sans doute surprise par la fermeté du gouvernement et par l’ampleur du mouvement auquel, de facto, se trouve lié son agenda, la direction du syndicat se doit de réagir. Il s’agit de satisfaire la base mais aussi de préparer les élections professionnelles de 2017 (c’est le propre de toute organisation que d’assurer avant tout sa survie).
La CGT a la capacité, sur une décision et en quelques mails, de lancer dans la grève de nombreux secteurs… mais pour ce qui est de la faire durer, c’est beaucoup plus incertain. Un échec dans ce domaine serait une catastrophe. Tout en expliquant qu’une grève générale « ne se décrète pas » (ce qui est vrai)(3), la direction adopte un discours contestataire mais ne lance dans la grève que certains bastions où des questions spécifiques sont en jeu et peuvent déboucher sur des victoires partielles : l’Énergie le 24 mai, les cheminots le 31 mai, la RATP le 1er juin, etc. Une carte de la sectorisation, en ordre dispersé, que joue également le gouvernement.
La CGT doit aussi montrer qu’elle est l’interlocuteur incontournable qui, à partir du moment où elle entre en scène, maîtrise le mouvement, les boutons on/off, grève/reprise, blocage/déblocage et assure la bonne tenue des manifestations. D’où le déploiement d’un service d’ordre avec casques, battes de base-ball et gazeuses à Paris pour y rétablir un contrôle « à l’ancienne », sans d’ailleurs bien comprendre l’émergence d’un nouveau rapport à « la violence » dont nous parlerons plus loin.

Pourtant, malgré les reculades successives de Martinez, Valls reste inflexible et ne fait aucune concession, ce qui explique en partie, comme en 2010, la longueur du mouvement. L’annonce d’un accord gagnant/gagnant qui aurait permis une sortie de crise honorable pour chacun n’est jamais venu. Valls y a peut-être vu là l’occasion de porter un coup fatal à la CGT et à la gauche du PS tout en satisfaisant le MEDEF.
Les syndicats sont depuis bientôt un siècle un rouage crucial du mode de production capitaliste ; des organisations ouvertement collabos comme la CFDT, en progression, sont, semble-t-il, jugées suffisantes pour encadrer une classe ouvrière défaite. Mais qu’en sera-t-il demain ?

Autonomie ?

Il y a tout d’abord eu cette impression, presque un soulagement, lorsque la CGT est entrée en scène : « la chose est devenue sérieuse ». C’était en mai, lorsqu’à l’appel du syndicat plusieurs secteurs entraient progressivement en grève reconductible. Un engagement tardif, à reculons, et un discours ambigu quant à la loi Travail, ont fait croire à certains que, malgré sa faiblesse, le mouvement avait été radical car « autonome » depuis février…

Le cortège de tête en trois mots : rapidité, furtivité, efficacité.

Le cortège de tête en trois mots :
rapidité, furtivité, efficacité.

C’est sur les réseaux sociaux qu’a débuté en février 2016 une mobilisation (pétition et youtube) qui a pour origine l’aile gauche du PS (ou à sa gauche) et a pour cadre les affrontements entre diverses tendances d’une social-démocratie en décomposition.
Le mouvement contre la loi Travail qui débute réellement le 9 mars 2016 reposera en premier lieu sur une succession de « journées nationales de mobilisation » auxquelles appelleront à chaque fois une foultitude d’organisations syndicales et politiques. Son calendrier est calqué sur celui que suit le projet de loi entre Assemblée Nationale et Sénat. Ces journées, week-end mis à part, sont aussi des journées de grève (certes très faiblement suivies). Les syndicats sont donc là dès le début pour encadrer le mouvement. Les seuls à prendre un peu de liberté ont été les étudiants et surtout les lycéens qui doivent néanmoins se coltiner les organisations « de jeunesse », c’est-à-dire UNEF, UNL, FIDL, ou même les « Jeunesses communistes » (sic) qui resurgissent par endroit, allez savoir pourquoi(4) !

Il y a certes ND, mais l’on sait que l’initiative a été lancée par des militants pro-Mélenchon avec l’appui de vieilles orgas citoyennistes toujours utiles comme le DAL ou la CIP, puis envahie par des militants de toutes obédiences(5). Bien que liées au mouvement contre la loi Travail, les ND en sont tellement restées en marge qu’il est difficile d’y voir des organes de lutte.
La lutte de 2010 avait, elle, vu l’éclosion dans de nombreuses villes d’« assemblées de luttes » ou « AG interpro », expression autonome du mouvement qui y rassemblait de modestes franges (surtout des militants) lassées des manœuvres syndicales. Beaucoup avaient imaginé que ce phénomène, au fil des années, irait croissant ; mais au printemps 2016 elles furent bien rares et une tentative de coordination nationale n’y a rien changé. Si cela n’explique pas tout, il faut noter que les ND ont souvent laissé peu de place aux autres (dans certaines villes les deux types de regroupement cohabitent néanmoins, comme à Marseille ou à Alès).

On comprendra qu’il nous semble assez présomptueux de caractériser ce mouvement par sa radicalité et son autonomie. C’est bien regrettable mais assemblées de lutte, AG interpro ou « cortèges de tête » n’ont pu exister que par rapport et grâce au cadre créé par l’intersyndicale. Et voir dans la marginalisation croissante de la CGT une victoire de l’autonomie prolétarienne contre la bureaucratie serait abusif et trompeur(6). Les différents mouvements des années 1970 et 1980 portés par des coordinations (cheminots, infirmières, etc.) ont d’ailleurs montré qu’on pouvait très bien se passer des syndicats… pour faire du syndicalisme.

Violence ?

Si un point en a surpris beaucoup, c’est le rapport à la violence de certains participants au mouvement.

  • D’abord la « violence » elle-même (contre les biens matériels et les flics) : en queue et en tête des manifestations de Paris et de quelques grandes villes (dont Nantes et Rennes) ou bien lors de manifs sauvages partant de la place de la République, les dégradations et leur récurrence ont atteint un niveau surprenant pour la France. Cela reste difficile à évaluer d’un point de vue quantitatif ou qualitatif et le riot porn n’y aide pas. Bien que l’affrontement avec les forces de l’ordre conservent un caractère ritualisé c’est bien une pratique qui semble se diffuser (techniquement l’innovation réside surtout dans la généralisation de dispositifs défensifs comme banderoles renforcées, masques et lunettes).
  • Le rapport aux keufs : « Tout le monde déteste la police » est un slogan plus agréable à entendre et plus intelligent que « Je suis Charlie, je suis policier » ou « La police avec nous »… mais ce n’est pas une vérité. Il n’est d’ailleurs pas prononcé par les mêmes personnes, ni par le même nombre de personnes. On voit néanmoins que la propagande liée à l’état d’urgence a des limites.
    Certains ont critiqué une focalisation anti-flics(9) éventuellement préjudiciable, car les flics ne sont théoriquement pas un objectif mais un obstacle entre nous et notre objectif, et la révolution pas un duel entre émeutiers et CRS.
  • Ensuite, la façon dont elle a été perçue. La question a été débattue à ND : ce n’est pas tant les « débordements » qui ont été tolérés, que « la violence » comme mode d’action et d’expression politique qui a été discutée et acceptée (comme l’est par ailleurs le macramé non-mixte)(7). Cela aurait été inimaginable entre 1999 et 2010 où le moindre bris de vitre était stigmatisé comme l’œuvre de flics en civil(8).
    Les coordinations nationales étudiantes et lycéennes ont également refusé de se désolidariser des manifestants désignés comme « casseurs » par les journalistes et les flics.
    À Paris, dans le cortège de tête à partir duquel beaucoup agissaient, des milliers de manifestants complices, solidaires ou indifférents étaient présents.
    Cette évolution est significative mais, là aussi, il ne faut pas se tromper : ce nouveau rapport à la violence reste là aussi très minoritaire. Caillasser des CRS ou briser une vitrine de banque sont toujours condamnés par la majorité des manifestants sinon des militants. C’est aussi le fait d’atteindre une masse critique (en cortège de tête, dans une très grande ville) qui met en place une sorte de rapport de force et fait que certains tolèrent ce type d’action.
  • La gestion étatique : les forces de l’ordre ont pour fonction de contenir ou réprimer les manifestants ; elles ont fait leur boulot. Il n’y a donc pas de bon usage des CRS à revendiquer. Le fait qu’elles aient testé de nouvelles armes et techniques n’est pas très significatif, elles le font depuis une centaine d’années.
    Choisir de réprimer (empêcher) ou de laisser faire (casser) pour se contenter de canaliser dépend de considérations et opportunités politiques, puis techniques. Et malgré la « fatigue » occasionnée par des mois d’état d’urgence, les flics ont pu aisément gérer des violences limitées à quelques villes. À leur éventuel débordement tactique aurait simplement répondu une montée en puissance de la répression alors que les émeutiers n’auraient pu s’appuyer sur un mouvement social fort. Ceux qui en doutaient savent maintenant que l’État dispose d’une panoplie de moyens lui permettant de mettre un terme immédiat à ces agissements… à condition d’avoir le concours des syndicats (voir la manifestation en cage du 23 juin 2016 à Paris). Cela a évidemment un coût matériel, financier et politique pour une efficacité provisoire (le temps de trouver comment contourner les dispositifs).
  • La violence n’est pas forcément prolétarienne. Elle peut aussi, dans certains cas, être l’œuvre de jeunes membres de la classe moyenne (au Vénézuela par exemple) et son caractère prolétarien n’est pas non plus suffisant (des émeutes peuvent aussi être racistes ou nationalistes). La violence est un outil. C’est aussi un marqueur, sorte de thermomètre du moment social mais qui ne suffit pas à dire où nous sommes.

    Rares étaient les moments de répit pour les forces de l’ordre.

    Rares étaient les moments de répit pour
    les forces de l’ordre.

Et demain tu fais quoi ?

Ce mouvement me laisse une impression étrange, comme s’il n’avait été que l’esquisse (au sens artistique) d’un mouvement, ou bien un faux trop apparemment spectaculaire… Comme si la seule possibilité était de (tenter de) singer le mouvement précédent… comme l’énième photocopie d’une photocopie sur une machine à bout de souffle… On n’y voit plus grand chose.

Où sommes-nous ? Il y a cette idée qui hante, celle d’une transition. Revenons un peu en arrière. Après l’ouverture par les socialistes en 1983 de la célèbre « parenthèse », la grève de décembre 1995 inaugure une période de résistance contre l’alignement du capitalisme français sur le modèle dit néo-libéral. La possibilité de la grève générale fait son retour dans l’imaginaire, cheminots en avant-garde (dockers pour les villes portuaires), fonctionnaires en nombre, lycéens et étudiants en piétaille agitée… Une sorte de modèle à suivre, que beaucoup ont en tête tout au long de ces années de luttes défensives et… de défaites. 1995, 2003, 2006 (seule « victoire »), 2010, 2016.
L’hiver 1995 a en fait inauguré le concept de « grève par procuration » : une minorité (fonctionnaires, entreprises publiques, bastions syndicaux du privé) cesse le travail, soutenue par une masse de travailleurs qui n’aurait pas « la possibilité » ou « les moyens » de faire grève mais qui parfois se rend aux manifs ; sans oublier l’opinion qui, sondages à l’appui, approuve. Or, depuis 2003, les manifestants ne cessent de se plaindre de l’inefficacité de ces défilés traîne-savates, des grèves au carré, des « magouilles » syndicales, etc., et les rangs se clairsèment. La grève par procuration a montré ses limites. Aujourd’hui, en un mouvement dispersé, tronçonné et ultra-minoritaire, la minorité qui se mobilise se réduit aux militants et syndiqués. Le mythe de la grève n’a pas du plomb que dans l’aile. Quant aux « nouvelles » pratiques (AG de lutte, assemblées, casse, etc.) dont on espère à chaque fois la généralisation, elles ne bouleversent aucunement la production(10). Elles font plaisir mais sont plus le signe d’une décomposition que d’un dépassement car elles ne germent que sur les marges d’un mouvement en ruine.
Est-ce la fin d’un cycle de luttes ? Pas des luttes, évidemment, ni de la lutte des classes ou du prolétariat. Mais, entre l’implication croissante d’une classe moyenne inquiète et les tentations populistes, peut-être va-t-on assister à de nouvelles formes de « mobilisation » dont les ND, l’ovni Bonnets rouges ou, pourquoi pas, la Manif pour tous, n’ont été que de peu ragoutantes préfigurations(11)…

En temps de désespoir chronique, les marchands de soupe espèrent faire fortune. Les militants gauche(s) de la gauche qui ont formé les gros bataillons dans la lutte contre la loi Travail sont conscients du malaise. Ils savent qu’entre le mouvement des Indignados et la création de Podemos, leur nouveau modèle, trois années se sont écoulées et qu’il s’agit d’ores et déjà de miser sur ce qu’ils croient être les bons chevaux. Mais ils ont aussi en tête cet autre exemple, celui de Syriza, coalition des débris de la social-démocratie et d’extrême-gauche, qui n’aura mis que dix ans pour arriver au pouvoir en Grèce (en s’alliant avec un petit parti d’extrême-droite)… et six mois pour « trahir » ses électeurs. Leur issue de secours est une voie sans issue.
Ces politiciens aux habits neufs qui prétendent nous montrer ce qu’est une « vraie » gauche, nous redonner goût à la « vraie » démocratie, ont sans doute marqué des points dans le mouvement, notamment auprès de la classe moyenne qui fréquentait les ND… mais le dégoût du politique en a sans doute aussi marqué beaucoup, en particulier chez les grévistes. Désillusion serait un grand mot, disons plutôt une confirmation. Si même « la gauche » roule ouvertement pour le MEDEF et fait flash-baller vos copains et vos enfants, où va-t-on ?! Encore une fois, repli, identité, abstention ou vote « extrême »… ? D’ailleurs, combien y avait-il d’électeurs du FN à tes côtés ce jour-là sur ce blocage si « déter » ?

Atelier « J’apprends le langage des signes Nuit Debout.»

Atelier « J’apprends le langage des signes Nuit Debout.»

Que nous réserve l’avenir ? Les lendemains ne chanteront pas et ils auront une sale gueule. Trop pessimiste et négatif ? Disons en tout cas que, dans les prochaines années, nous ne manquerons pas d’occupations ! Et que les surlendemains ne peuvent pas être pires. Non ?

Clément

(1) C’est bien souvent l’une des fonctions des gouvernements de gauche que de mettre en œuvre des mesures qui, si elles étaient à l’initiative de la droite, entraîneraient immédiatement une vive riposte. En fait il s’agit le plus souvent d’ouvrir des brèches,par exemple dans le Code du Travail (ANI, lois Macron, etc.), que n’auront qu’à exploiter et élargir les gouvernants suivants.
(2) Il y avait eu juin 1936 mais, à l’époque, les travailleurs croyaient que le gouvernement de Blum était de leur côté. [voir plus loin «The Great Front Populaire Swindle»]
(3) La CGT n’a véritablement appelé à la grève générale qu’à deux reprises, en juin 1936 et mai 1968 : à deux moments où, sans l’intervention des syndicats, la grève générale se répandait comme une traînée de poudre à travers le pays. Dans ces deux cas il s’agissait pour la CGT d’essayer de se placer à la tête du mouvement.
(4) George Romero sors de ces corps !
(5) Nous arrêterons ici le ND-bashing auquel il faudrait consacrer plusieurs pages.
(6) Voir l’article de Jean-Pierre Duteuil, « Mettre la classe ouvrière à genoux », Courant Alternatif, n° 262, été 2016.
(7) A noter qu’en 2006 et 2010, affrontements et « débordements » (parfois accompagnés de pillages) s’étaient généralisés dans l’Hexagone et étaient souvent moins le fait de « militants » que d’incontrôlables lycéens.
(8) Comment expliquer cette évolution ? La violente répression qu’ont subie les manifestants n’est pas une explication satisfaisante. À Gênes, en 2001, la répression pour le coup « féroce » et allant jusqu’à la mort d’un manifestant, n’avait pas empêché les crapules citoyennistes (dont Attac) de dénoncer les « mauvais » manifestants comme des « casseurs »/flics infiltrés.
(9) Les syndicats de police, à la pointe de la post-modernité, n’ont pas manqué de dégainer le concept de « flicophobie ». Un ouvrage sur ce thème serait en préparation aux éditions La Fabrique.
(10) Le pire étant sans doute Nuit Debout-Paris car une fois la Place de la République quittée, la métropole parisienne vit à plein régime comme si de rien n’était… On est là dans le mouvement complètement séparé du reste de la vie y compris pour les participants (on y passe le soir après le boulot), alors que l’intérêt d’une lutte et en particulier d’une grève, est de briser le fonctionnement normal de la production et de la vie.
(11) Sur cette idée perverse voir Gaël Brustier, #Nuitdebout. Que penser ?, Paris, Cerf, 2016, 112 p.

Apéro Spasme n°12 !

Vous l’avez attendu, le voilà, le Spasme n°12 !
Venez donc boire un coup avec nous et découvrir la bête samedi 5 novembre à 18 h. Ça se passe au magasin Produit conforme, 87 rue bonneterie à Avignon.
Au programme : un dossier sur le mouvement contre la loi Travail, un reportage sur un festival de punk-hardcore-vegan-straitght-edge en République Tchèque, un retour sur la petite émeute du festival d’Aurillac, des conseils de films et de lectures, de la BD, des jeux et plus encore !

https://www.facebook.com/events/1055251541238991/

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Le numéro 12 est pour bientôt !

aurillac 2016 carte 4Avec les copains de Spasme nous aurions bien fait la révolution cet été, mais comme visiblement ça n’est toujours pas au programme pour beaucoup de monde, on est finalement parti se balader un peu.

Néanmoins, nous n’avons pas chaumé et on a bien bossé sur le prochain numéro ! Dedans, vous pourrez lire un dossier sur le mouvement contre la loi travail, une interview de Georges Courtois, gangster nantais aux sympathies libertaires qui a passé plus de trente années en prison, un petit compte-rendu du festival d’Aurillac 2016 qui nous a réservé des surprises plus ou moins bonnes et toutes sortes de choses bien trop longues à énumérer.

Nous espérons pouvoir vous donner rendez-vous fin septembre ou début octobre pour la sortie de ce nouveau numéro !

 

En attendant nous avons (enfin) mis en ligne les PDF des numéros 10 et 11 !

Correspondant Local de Presse : zoom sur la tambouille interne de la presse locale

Article paru dans notre numéro 11.

Vous ne le savez peut-être pas, mais le contenu de la presse quotidienne régionale (PQR), assez navrant au demeurant, repose en majorité sur le travail de correspondants sous-payés. Un statut très précaire exercé un temps par l’auteur de ces lignes et sans lequel les colonnes des feuilles de chou locales seraient bien maigres.

In this illustration released by the Herge Moulinsart foundation, cartoon character Tintin grabs his coat to chase after another adventure with his trusted dog Snowy in tow. Belgium increased its daily dose of Tintin to saturation point Friday, Jan.9, 2004, on the eve of the 75th birthday of the character, perhaps the country's most famous icon. (AP Photo/Herge/Moulinsart 2004) ** NO SALES , MANDATORY CREDIT ** BELGIUM TINTIN 75 2004-3109.JPG

Le statut de CLP a été créé en 1987. Officiellement celui qui l’exerce est un travailleur indépendant. Il ne touche donc pas de salaire mais des honoraires et le journal avec lequel il travaille est donc, sur le papier, son client. Un client bien étrange puisque c’est lui qui fixe les tarifs via une grille d’honoraires qui est remise au correspondant lors du début de sa collaboration avec le titre (voir en fin d’article). Entre 5 et 15 euro pour un article, moins de 2 euro pour une photo, autant vous dire que ça ne vole pas haut. À titre d’exemple, un papier de 1500 signes (un peu moins long que le paragraphe que vous lisez en ce moment) sera payé environ 5,50€ à un CLP (contre environ 50 € à un journaliste professionnel). Pour cette somme il faut bien entendu compter le temps nécessaire pour se rendre sur le lieu d’un événement à couvrir, la durée de l’événement en lui-même et enfin le temps de rédaction du papier. On est donc évidemment très en dessous du SMIC. D’après plusieurs témoignages de CLP que l’on trouve sur Internet leur rémunération tourne autour de 3,50€ de l’heure. Sans oublier que le CLP n’est pas payé en fonction de ce que qu’il produit, mais de ce qui est publié. Il arrive donc fréquemment qu’il travaille sans rien gagner. Pour cette raison, de nombreux correspondants tentent donc de compenser en travaillant sans relâche, bien plus que 35 heures par semaine, afin de gagner de quoi survivre. Cependant, même si le CLP se donne à fond, gare à ne pas gagner « trop ». Car si la totalité des revenus obtenus au cours de l’année avec ce statut dépasse 15 % du plafond de la sécurité sociale – 5456€ en 2012, soit environ 450€ par mois – le CLP doit se déclarer à l’URSSAF et payer des charges. A priori rien d’anormal : il travaille en libéral donc il cotise sur ses bénéfices pour la sécurité sociale, le chômage et les retraites. Le souci, c’est que, sauf magouille avec le journal, pour gagner ne serait-ce que ces 450€ par mois, il faut déjà pas mal cravacher.

Si légalement le correspondant local de presse ne devrait être qu’une sorte « d’indic » pour les journalistes, certains remplissent parfois de telles tâches qu’on se rapproche plus du travail dissimulé. Damien* que nous avons rencontré exerce toujours pour la même rédaction depuis plus de 5 ans. Disposant d’un arrangement officieux avec le journal, il gagne autour de 1000€ par mois et travaille environ 40h par semaine. Fréquemment dans les bureaux, il lui arrive d’effectuer des tâches relevant d’un secrétaire de rédaction (mise en forme des articles par exemple). Bien évidemment, pour ne pas perdre d’argent, il ne déclare pas ses revenus à l’URSSAF ce que le groupe de presse fait en revanche de son côté chaque année. Si l’URSSAF vient un jour à épingler Damien, il sera donc le seul à avoir des ennuis et devra régler les sommes impayées. Le journal, lui, aura les mains propres.

Évidemment, nous pouvons nous demander qui est assez maso pour travailler dans de telles conditions. Les profils des CLP restent variés. Cela va des retraités qui arrondissent leurs fins de mois en rendant compte des tournois de pétanque, aux étudiants tentant d’agrémenter leur bourse du CROUS, en passant par tout un éventail de personnes ne trouvant aucune autre activité rémunératrice. Notons également les nombreux témoignages d’anciens étudiants en journalisme auxquels des rédactions ont fait miroiter la possibilité d’un vrai poste après être passés par la case CLP. Grossièrement il y a donc deux catégories de CLP. D’un côté ceux qui font ça pour le plaisir et pour qui le revenu tiré de cette activité est plus une sorte d’argent de poche. Ils tiennent parfois à eux-seuls une rubrique (sport, culture). De l’autre, des précaires qui souvent espèrent tirer leur épingle du jeu en prenant ce boulot comme un tremplin et un moyen de faire du réseau (ce qui fut mon cas[1]).
Les faux espoirs et la satisfaction narcissique de connaître du monde et de voir son nom en bas des articles sont autant d’éléments qui peuvent faire courir longtemps le CLP. Ce jeu entre précarité, « opportunités » hypothétiques et pseudo-mondanités, les groupes de presse locale en tirent une main d’œuvre docile et jetable à tout moment. Les conditions de paiement des articles évoqué plus haut entraînent par ailleurs le CLP à faire preuve de pragmatisme économique en relayant le discours que le journal veut vendre, c’est-à-dire le discours dominant. Il faut être consensuel et à l’affût des faits divers vendeurs. Si le correspondant obéit bien, la régie pub du journal lui proposera peut-être un publireportage[2]. Quelle aubaine !

Néanmoins, il arrive que certains CLP aient parfois une prise de conscience. Je vous rassure, elle les pousse rarement jusqu’à un regard critique des médias en tant que tels. Bien plus terre à terre, cette désillusion arrive souvent lorsqu’au bout de quelques années au régime qui lui est réservé le CLP est rattrapé par l’URSSAF. Il réalise alors que le journal pour lequel il travaillait le laissera dans la merde. On relève aussi quelques très rares cas de procédures engagées par des CLP indignés de s’être fait berner et qui ont abouti à l’obtention pour eux d’un contrat de travail de la part de la rédaction pour laquelle ils exerçaient. L’histoire ne dit pas s’ils se sont mis à écrire des choses plus intéressantes. Enfin, si des collectifs de défense des droits des CLP ont existé, ils n’ont jamais rassemblé grand monde. Pourtant, la proportion de correspondants dans la presse locale est énorme. Dans le petit titre gratuit pour lequel j’ai travaillé il y avait entre dix et quinze CLP pour deux journalistes ! Mais ce statut n’offrant aucune sécurité et agitant la carotte d’une « réussite » individuelle future, il n’est pas étonnant de constater une absence de solidarité.
Au final, entre la rémunération au lance-pierre, l’utilisation massive de collaborateurs « indépendants » et la mise en concurrence des travailleurs entre eux, force est de constater que la presse locale française a presque trente ans d’avance sur l’uberisation de l’économie que l’on nous vante tant aujourd’hui[3]!

M.

Du travailleur indépendant à l’auto-entrepreneuriat

Il semblerait que la nouvelle tendance dans la presse soit de bosser sous le statut d’auto-entrepreneur. Ainsi certains CLP préféreraient se déclarer sous ce statut et de cette manière aller au-devant d’éventuels problèmes avec l’URSSAF. Une pratique qui ne semble pas limitée aux correspondants puisque le Syndicat National des Journalistes invite également les titulaires de carte de presse à refuser cette magouille proposée par certains patrons…

Quelques chiffres

S’il n’est pas évident de connaître exactement le ratio correspondants/journalistes, à titre indicatif, un article du collectifs les Indignés du PAF estime qu’on dénombre entre 25000 et 30000 correspondants pour environ 5000 journalistes dans la presse locale.

*Le prénom a été modifié.
[1] : Même s’il y a eu parfois quelques coups de bourre, les tarifs grotesquement bas ont fait que je ne me suis jamais engagé à fond dans ce travail. En revanche j’avoue avoir espéré trouver de meilleurs plans en rencontrant du monde par ce biais (ce qui n’est évidemment jamais venu).
[2] : un publireportage est un reportage publicitaire commandé par une entreprise à un journal et écrit par un journaliste ou un CLP de la rédaction. Ce procédé, qui doit être identifiable comme tel, a pour but de donner un air journalistique à ce qui n’est en réalité qu’une publicité. Ce travail est mieux payé qu’un article classique.
[3] : Uber est une entreprise qui propose un service de mise en relation entre des chauffeurs de VTC (véhicule de tourisme avec chauffeur) et des clients via une application pour smartphone. Les chauffeurs ne sont pas salariés mais travaillent à leur compte. Une indépendance illusoire, puisque pour avoir des clients ils ont précisément besoin du réseau d’Uber. Un modèle économique qui permet à l’entreprise de tendre vers le « zéro-employé ». Elle peut ainsi maximiser ses profits tout en évitant les charges et les responsabilités en cas de problème.

DL points n&b

Apéro Spasme ! #11

chouetteSalut à tous,

Spasme ! #11 sort la semaine prochaine, à cette occasion nous organisons un pot de lancement le jeudi 7 avril à 19h au magasin Produit Conforme, au 87 rue Bonneterie à Avignon.

+ stand de sérigraphie à prix libre, amène les fringues que tu veux décorer !

Venez, on vous a à l’oeil ! 😉

lancement

La peste et le choléra

pourris

Un directeur de campagne Made in AREVA

Philippe Brunet-Debaines – directeur de campagne de la liste Estrosi dans le 84 emmenée par le député Julien Aubert – occupe actuellement une place de choix auprès de ce député spécialisé dans la « transition énergétique ». Nommé au « Conseil national de la transition écologique » par le président de l’Assemblée nationale, Julien Aubert éprouve visiblement un intérêt manifeste pour la cause environnementale…
Seulement là où le bât blesse, et sans même chercher à remettre en cause son intérêt pour les problématiques énergétiques, force est de constater que l’identité de son directeur de campagne pour les Régionales, dévoilée dans un post discret aux militants des Républicains (1) sur un réseau social, a de quoi laisser dubitatif quand on mène sa propre petite enquête. Dans la (vraie) vie, Philippe Brunet-Debaines est responsable des relations institutionnelles et du développement économique d’AREVA à la direction du Tricastin… Un conflit d’intérêt dénoncé déjà par les anti-nucléaires alors que Philippe Brunet-Debaines était conseiller municipal UMP d’Avignon, à la tête de la commission des affaires économiques sous la dernière mandature de Marie-Josée Roig… Il n’est d’ailleurs sans doute pas pour rien dans la convention de mécénat signée entre AREVA et la Ville d’Avignon qui a fait couler beaucoup d’encre peu après l’arrivée de Cécile Helle à la mairie…

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Post venant du compte Facebook de la campagne de Christian Estrosi aux régionales de PACA en 2015. (Cliquez pour agrandir)

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Capture du profil Viadeo de Philippe Brunet-Debaines.

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Au milieu Julien Aubert et à côté de lui, en doudoune orange, Philippe Brunet-Debaines lors d’une ascension du Mont Ventoux organisé par le Rassemblement Bleu Lavande.

Voilà donc notre Philippe dans sa plus belle fonction de lobbyiste professionnel, qui s’affiche (discrètement il faut le reconnaître, c’est tout à son honneur, mais probablement pas dans l’intérêt du nôtre…) de nouveau dans une connivence industrielle et politique des plus douteuses avec ce candidat à la Région, qui une fois élu – on peut lui faire confiance pour ça – ne manquera pas de manifester son intérêt pour la gestion des affaires énergétiques régionales… Chers citoyens « de gauche », vous pouvez donc voter tranquille dimanche et suivre les gentilles consignes du PS pour faire barrage au FN, il n’y aura plus un élu de gauche ou écolo pour surveiller tout ça, mais les caméras de surveillance promises par Estrosi seront là pour assurer la sécurité au cas où un hypothétique kamikaze zadiste ou anti-nucléaire ne veuille se faire sauter en pleine plénière dans l’assemblée…

Barbie patrichiotte aurait-elle trouvée son Ken ?

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Logo du Rassemblement Bleu Lavande.

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Petits sachets parfumés vendus en soutien au Rassemblement Bleu Lavande.

Le parfum commun de Marion & Julien se nomme lavandin… Mais revenons à Julien, qui n’a décidément pas grand chose à envier à sa rivale Marion, si ce n’est le score de malade du FN dans le Vaucluse, plus de 44% au 1er tour des Régionales (et oui ça fait mal de se le répéter…). Contre le mariage pour tous et bien d’autres positions symptomatiques et rétrogrades jusque dans les moindres détails, telle son opposition de principe à la féminisation des titres de la fonction publique, un article (2) vous dévoilera les coups d’éclats de Julien Aubert, qui ressemble plus à un Mickey de foire de Gaulle positionné à « 3 centimètres du FN » plutôt que l’homme de la situation pour faire barrage à sa rivale frontiste si justement décriée. Il est utile de rappeler ici qu’entre les deux tours des élections législatives de 2012, Julien Aubert, alors candidat UMP, avait négocié le retrait de sa concurrente FN, arrivée 3e, contre une promesse d’aide pour les investitures futures, s’engageant même « à lui trouver un poste ». Ce désistement lui avait permis d’être élu de justesse député… comme l’a révélé le Canard enchaîné en juin 2015, information reprise dans La Provence(3).

Mais attardons-nous quelques instants sur ce Rassemblement Bleu Lavande créé par Julien Aubert en 2012, pied de nez provençal au Rassemblement Bleu Marine lancé par Marine Le Pen. Sous cette bannière, il entend « promouvoir les valeurs et idéaux du gaullisme »… et n’hésite-pas à s’accaparer la croix de Lorraine, symbole de la France libre… Une véritable provocation en écho au symbole de « résistant » que tente d’incarner son mentor ESTRO-BLING-BLING entre les 2 tours, quand on mesure la minceur du papier de chiotte qui les séparent des idées frontistes… On peut voir notamment le groupuscule associatif Bleu Lavande de Julien orchestrer des événements d’une singulière connivence religieuse, comme cette messe chantée en l’honneur du Général de Gaulle(4)… pendant que d’autres célèbrent leur icône Jeanne d’Arc – cherchez donc la nuance de la lavande – ou encore la charte arborée fièrement sur leur site, une ligne de conduite rigide et patriotique qui se conclue sur « la fierté de leur identité française et provençale »… A force de vouloir surfer sur les plates-bandes de lavandin bien propres (parce qu’il faut appeler un chat un chat et que Marion comme Julien sont bien loin d’être en mesure de faire la différence entre de la lavande fine et du lavandin…), il faut croire que Marion a senti le vent tourner… et a voulu le prendre de vitesse pour son affiche de campagne en posant fièrement telle Miss Région devant un champ de… lavandin. Mais peut-être est-ce plutôt une pub pour le dernier Airwick WC ? Ce qui est sûr, c’est qu’à travers la passion commune de Marion Maréchal et Julien Aubert pour la fragrance lavandin (de synthèse), je peine à saisir les nuances dans la puanteur de leur discours aux effluves rétrogrades. Barbie patrichiotte aurait-elle enfin trouvée son Ken ?

Post_messe

Post du compte Facebook de Julien Aubert à propos d’une messe organisée en hommage au Général de Gaulle en novembre dernier. (Cliquez pour agrandir)

Alors décidément, entre le bleu marine et le bleu lavande… pour quelle nuance de papier cul voterez-vous dimanche ? Il est prouvé que le papier blanc et sans parfum de synthèse est non seulement bien moins cher à l’achat… mais il ne donne pas de boutons aux fesses !
Quoiqu’il advienne, une révolte populaire et une vigilance (sans caméras !) devra se mener de front pour s’élever face aux mesures liberticides et aux 6 années noires qui s’annoncent à la Région… Au final, n’est-ce pas dans l’adversité que nous pouvons espérer trouver enfin suffisamment de ressource et l’énergie pour construire ce réveil tant attendu dans les réseaux alternatifs, et cet élan collectif si difficile à mobiliser en PACA ? Puisqu’il semble d’abord falloir atteindre le fond et sacrifier 6 ans pour cela, allons-y la mort dans l’âme… Laissons Marion Maréchal démontrer la nullité de son programme à tout ceux qui sont tombés sous le charme de Miss région affichant un visage adouci de parti presque respectable, faisons enfin taire les imbéciles qui braillent « au moins eux on ne les a pas encore essayé », clamons haut et fort au PS que leur chantage au vote républicain est inadmissible… et face au Front National, incarnons LE véritable Front démocratique au sein de la société civile.

K.

  1. https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=796266113815942&id=750143325094888
  2. http://www.francetvinfo.fr/politique/ump/lavande-gaullisme-et-provocations-julien-aubert-le-troll-de-l-assemblee_714217.html
  3. http://www.laprovence.com/article/actualites/3476156/aubert-doit-sexpliquer-sur-son-accord-avec-le-fn.html
  4. https://www.facebook.com/julienaubertvaucluse/posts/872845642843480

Note : le lecteur remarquera le subtil appel au vote blanc. Au sein de la rédaction de Spasme les avis sur cette question ne sont pas identiques, certains parmi nous sont également abstentionnistes convaincus !

Donnez-nous…

Donnez-nous les chocottes !
Donnez-nous bien la trouille !
Donnez-nous une peur bleue !
Donnez-nous une peur bleue-blanc-rouge !
Donnez-nous plus de surveillance !
Donnez-nous plus de vidéo-surveillance !
Donnez-nous plus de cyber-surveillance !
Donnez-nous des CRS à embrasser sur la bouche !
Donnez-nous du gaz lacrimo !
Donnez-nous de l’info en continu !
Donnez-nous du sensationnel, du Poujadas !
Donnez-nous de la tfinformation !
Donnez-nous des médias bétons et armés !
Donnez-nous des écrans plats grand format !
Donnez-nous des murs infranchissables !
Donnez-nous du Frontex, du Baygon, du Round up !
Donnez-nous des frontières inviolables !
Donnez-nous du fier d’être francé !
Donnez-nous du skinhead angora !
Donnez-nous d’la Marion, d’la Marine !
Donnez-nous du facho à particule !
Donnez-nous du jambon !
Donnez-nous des hormones !
Donnez-nous de la testostérone !
Donnez-nous des mecs qui en ont !
Donnez-nous du Général Aussaresses ou Bigeard !
Donnez-nous des cocoricolonies !
Donnez-nous la peau de Larbi Ben M’hidi !
Donnez-nous les moyens de les faire parler !
Donnez-nous du bombardement, d’la vengeance !
Donnez-nous en pour notre argent !
Donnez-nous du sang impur pour abreuver nos sillons !
Donnez-nous d’la matraque !
Donnez-nous du tonfa !
Donnez-nous la peau de Rémi Fraisse !
Donnez-nous l’uranium du Niger !
Donnez-nous d’la Françafrique !
Donnez-nous des coups d’trique !
Donnez-nous la peau de Thomas Sankara !
Donnez-nous du nucléaire vert !
Donnez-nous du Rainbow Warrior, de l’agneau néo-zélandais !
Donnez-nous des blancs, des whites, des blancos !
Donnez-nous du Rrom à expulser !
Donnez-nous la soupe identitaire !
Donnez-nous notre pain de ce jour !
Donnez-nous des soldes privées !
Donnez-nous de la poudre aux yeux !
Donnez-nous la peau des indiens Natchez !
Donnez-nous des abonnements à Charlie et des joujoux par milliers !
Donnez-nous des coups, Johnny Johnny ! Faites-nous mal !
Donnez-nous d’la France rance !
Donnez-nous d’la manif pour tous !
Donnez-nous une KKKulture comme il faut !
Donnez-nous du cocoricogito ergo sum !
Donnez-nous de la sécurité !
Donnez-nous du barbelé, d’la clôture !
Donnez-nous du voisin vigilant !
Donnez-nous des clients pour nos armes !
Donnez-nous un hymne guerrier !
Donnez-nous la guerre, yeaaah !
Donnez-nous des larmes !
Donnez-nous des armes !
Donnez-nous de quoi croire !
De quoi croôoôaaaaaare, de quoi pleurer,
et bien évidemment de quoi braire bleu-blanc-rouge !

V!