Apéro Spasme le 28 mars !

À l’occasion de la sortie (un peu compliquée) de notre numéro 9, nous vous invitons pour l’apéro de lancement le samedi 28 mars à 18h00 au magasin Keep Fire, 1 rue des Teinturiers à Avignon.

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Les Échos dans la savane

Passé plutôt inaperçu, un article du journal Les Echos a retenu notre attention. Il employait un champ lexical bien étrange pour saluer la victoire du film Timbuktu à la Cérémonie des Césars.

Le 20 février dernier était décernés les Césars et c’est Timbuktu du franco-mauritanien Abderrahmane Sissako qui a eu les faveurs du jury. Le film, qui dénonce les exactions des groupes djihadistes au Mali, a reçu sept statuettes dont les plus prestigieuses (Meilleur film et Meilleur réalisateur). Au lendemain de la cérémonie, ce résultat a été applaudi par l’ensemble de la presse, cependant le titre d’un article des Echos nous a semblé pour le moins curieux : « « Timbuktu » : razzia sur les Césars ». Rappelons la définition du Larousse pour le mot « razzia » qui vient de la langue arabe : « Autrefois, invasion faite sur un territoire ennemi ou étranger pour enlever les troupeaux, les grains, faire du butin. » Le journaliste, Thierry Gandillot, visiblement plein d’esprit, persiste à faire dans l’exotisme en écrivant ensuite dans le chapeau de l’article que l’Académie des Césars « a réservé [au film] la part du lion. »
Devons-nous préciser que l’on se désolidarise de cet imbécile ?

http://www.lesechos.fr/week-end/culture/0204175706586-timbuktu-razzia-sur-les-cesar-1095434.php

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Périple en euskadi (2/2) : Lizarrako Txoznak 2014

programmeAu cours de nos pérégrinations en Espagne avec A., nous avons traversé le Pays Basque. Ce fut l’occasion de faire un arrêt dans la petite ville d’Estella (Lizarra en basque), proche de Pamplune, qui se trouvait en période de fêtes estivales. Outre l’aspect traditionnel de ces fêtes où les gens s’habillent en rouge et blanc comme à Bayonne et où on lâche un taureau dans les rues le samedi, c’est surtout le Lizarrako Txoznak 2014 (le Festival d’Estella) qui nous avait fait venir dans le coin. Organisé en parallèle par la jeunesse militante du coin et des assos indépendantistes, la manifestation proposait quatre soirs de concerts gratuits et plutôt sympathiques.

Jeudi 31 Juillet

Arrivés la veille afin de pouvoir un peu repérer les lieux, nous avions localisé l’emplacement du festival. Calé juste à côté de la fête foraine, le contraste était plutôt amusant. D’un côté un manège nommé La Ranita sur lequel les forains avaient apposé les visages de célébrités (Cameron Diaz, Mat Damon, Shakira, Nicolas Cage) nous promettant des sensations fortes, de l’autre la scène et les buvettes recouvertes de banderoles de soutien aux prisonniers politiques basques ou aux victimes palestiniennes des bombardements sur Gaza par l’armée israélienne.

Nous arrivons pour le début du concert, c’est-à-dire à 23h. Comme souvent dans ce type de rassemblement il y a une prise de parole au début. Ne comprenant pas grand chose à l’espagnol  et encore moins au basque nous comprenons tout de même qu’en gros on est à peu près d’accord avec ce qui est dit (bien que le côté un peu trop coco de ces mouvements me fasse rester méfiant). Ça se termine par le slogan « Independantzia, Socialismoa, Feminismoa » qui est plutôt clair. Ensuite nous avons droit à un petit morceau de txalaparta. Qu’est-ce que la txalaparta ? Il s’agit d’un instrument basque consistant en un ensemble de planches posées sur des tréteaux et sur lesquels un binôme de musicien frappe à l’aide de pilons. Personnellement je n’écouterais pas ça des heures, mais bon à petite dose ça n’est pas désagréable non plus. En suivant, nous assistons à une danse en costumes traditionnels. Dit comme cela, vous devez commencer à vous dire que ça fait un peu truc à touristes, mais en fait pas du tout. Il faut bien comprendre qu’au Pays Basque la culture traditionnelle est bien vivante et qu’elle sert aussi de moyen de revendication.

Finalement quelqu’un monte sur la scène et nous apprenons que le groupe principal de la soirée, Governors, ne pourra pas jouer car l’un des membres est à l’hôpital jusqu’à la veille. Dommage il me semblait que ça avait l’air sympa.

Le concert démarre vers minuit avec un groupe qui vient d’Estella même, Irrikan. Ils jouent une sorte de rock-ska à la Ska-P plus gentillet (c’est dire) et en basque. Ça se laisse écouter au début, mais il arrive un moment où le chanteur, qui doit avoir dans les 18 ans, devient vraiment insupportable tant il fait le beau gosse devant un parterre de gamines.

Ils laissent finalement la place à Anai Arrebak. Pour le coup, ce groupe est selon moi la bonne surprise de la soirée. Jouant un genre de pop-punk-disco-electro, avec chant en basque, ils mettent bien le feu. Pourtant, à ma surprise, le public est plus clairsemé devant la scène, les gamins étant partis. Nous comprendrons un peu plus tard en rentrant dormir qu’ils sont tous sur la place principale de la ville devant un DJ qui passent les tubes de merdes du moment. Misère.

Le groupe Zartako-K lors de la soirée du vendredi

Le groupe Zartako-K lors de la soirée du vendredi

Vendredi 1 août

Durant la journée nous nous sommes un peu baladés en ville. Le matin nous avons assisté à une manifestation plutôt amusante durant laquelle les ados descendent tous ensemble la rivière qui traverse la ville sur des bouées. On croisera aussi de petits groupes de musique traditionnelle basque avec flutiaux et tambourins. Bref une ambiance de fête de village assez classique mis à part le moment où en se baladant dans les petites rues on tombera sur une grande banderole à la gloire d’ETA. Étrange ambiance où l’on passe du stand de churros à la lutte armée.

Plus tard dans l’après-midi nous croisons un cortège suivant un groupe de batucada. On suit le mouvement pour finalement arriver sur la place centrale où démarre un mini-concert d’un groupe ayant amené sa sono sur un chariot  roulettes. À cause de la pluie battante qui s’est mise à tombée, les musiciens s’installent sous les arcades des bâtiments qui bordent la place. Il s’agit d’un groupe de reprises (on reconnaîtra du Kortatu et du Ska-P notamment) ce qui n’enlève rien à l’énergie qu’ils dégagent.

“Moi aussi je hais mon maire”

“Moi aussi je hais mon maire”

“Retour à la maison pour les prisonniers et fugitifs basques.”

“Retour à la maison pour les prisonniers et fugitifs basques.”

Un sentiment de malaise persiste tout de même car depuis la veille on constate que les seules personnes noires que l’on croise ici sont des vendeurs de babioles et des coiffeuses faisant des tresses africaines. Voir ces gens passer pour des cons avec leur attirail et supporter avec le sourire un nombre impressionnant de connards qui veulent négocier les prix est assez insupportable. Le soir durant le concert, je tente de discuter avec l’un de ces vendeurs, posté tout près.
Venant du Sénégal pour chercher du travail en Europe, le type s’est vite retrouvé face à une réalité bien moins joyeuse. Certainement en situation irrégulière (il ne me l’a évidemment pas dit), il a trouvé ce travail de vendeur à la sauvette. Lui et ses dizaines de collègues africains sont basés à Pamplune et enchaînent tout l’été les fêtes de village à travers la région. Lorsque je lui demande qui est le patron de ce business (ils vendent tous exactement la même camelote, ce qui indique qu’il s’agit d’un réseau) et comment cela fonctionne, il ne répond pas à ma première question mais m’explique que sur une vente il touche 50 %. Je l’interroge aussi sur le lieu où il dort durant ces quelques jours, il me répond qu’il se repose dans un bus. Des nuits plutôt courtes, sachant que les festivités se terminent très tard le soir et qu’ils sont à pied d’œuvre dès 10h du matin. Par ailleurs, tous ne dorment pas dans un véhicule et une petite balade le matin permet de constater que beaucoup dorment dans les parcs et sous les estrades montées par la ville pour les fêtes. Malheureusement, la discussion ne peut pas se prolonger plus longtemps. En effet, un deuxième vendeur s’approche et celui avec lequel je discute me fait comprendre qu’il ne veut pas parler devant lui. Des esclaves qui se surveillent entre eux.

Affiche contre le sexisme. Signé par ERNAI, mouvement politique indépendantiste et communiste que l'ont a souvent vue dans les manifestations militantes.

Affiche contre le sexisme. Signé par ERNAI, mouvement politique indépendantiste et communiste que l’ont a souvent vue dans les manifestations militantes.

Vers 23h le concert commence. Le premier groupe, Kometa, est vraiment dans ce que l’on peu faire de plus indigeste comme rock basque. Voix qui geint sur une musique sans intérêt.
Le deuxième groupe est tout de même un peu mieux, même si leur nom carrément cucul, The Kamikaze Bubbles, ne laissait rien présager de très bon. Ça se laisse écouter en buvant du patxaran. L’occasion de tomber sur un autochtone avenant qui me mettra aussi quelques rasades de cidre basque Zapiain (plus acide que le breton, mais très bon). Entre deux groupes je discute un peu avec lui et lui demande la signification de stickers que j’ai vus à plusieurs reprises en ville. Il m’explique que ces autocollants portent des slogans contre le maire d’Estella, Begoña Ganuza Bernaola, membre du UNP. Parti de la droite chrétienne, l’UNP est notamment opposé à l’avortement et à la scolarité mixte. Ce parti a été allié avec le PP qui est l’équivalent espagnol de l’UMP en France et qui a souhaiter restreindre drastiquement le droit à l’avortement en Espagne ces derniers temps (projet de loi finalement annulé suite à la forte hostilité qu’il a reccueilli).

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Plus tard, allant me chercher un autre patxaran à la buvette, un sketch m’attend. Je demande à un des gars derrière le bar : « Un patxaran por favor ». Le type me regarde avec un drôle d’air, genre il comprend pas. Je lui répète et là il me fait : « Patxaran bat ? », ce qui veut dire en basque : « Un patxaran ? ». Le soupçonnant fortement de jouer au con en faisant style de pas piper l’espagnol, je lui réponds : « Si, si, bai ! » (« bai » c’est « oui » en basque) et repars avec mon verre. Le meilleur arrivera lorsque, retournant au bar pour un nième patxaran (oui, c’est à 25° mais ça se boit très bien surtout avec des glaçons), je demanderai à un autre gus, soucieux de bien faire les choses : « How do you say « por favor » in euskara ? »  Le gonze me répondra : « Oh ! I don’t speak euskara, sorry ! What do you drink ? ». Allez va pour un patxaran mon salaud !

C’est ensuite au tour du troisième groupe, Zartako-K, d’attaquer. À ce stade A. a décidé d’aller dormir du coup je me retrouve tout seul,  heureusement ce groupe de ska-punk en basque est une bonne surprise. Les musiciens mettent bien l’ambiance avec des chansons à choeurs et ont visiblement leur public avec eux. La présence scénique du chanteur rappelle de manière assez surprenante celle de François, le chanteur des Bérus. Je remarquerai au passage un oiseau plutôt rare dans le public à savoir un skinhead basque. C’est que dans une région où porter la mulette n’a rien de honteux, au contraire, on ne voit pas beaucoup de gens avec la boule à z. Le concert se termine vers les 4h du mat’ et je commence à être méchamment attaqué (essayez le patxaran, vous comprendrez). Je décide donc d’aller dormir.

Samedi 2 août

Hésitant entre rester encore un soir ou décoller pour de nouvelles aventures nous optons pour la deuxième solution. Il y avait bien un groupe qui paraissait sympa, Ultimo Reyes, mais cela fait déjà trois jours que nous sommes à Estella et l’envie de voir d’autres choses se fait sentir. En plus je suis quasi sourd de l’oreille gauche (ça durera deux jours) à cause du volume dix fois trop fort (les ingés son espagnols sont totalement irresponsables sur ce point). On a manqué le lâcher de taureau. C’est pas que je sois fan de ce genre de manifestation, je vous rassure, mais c’est vrai que j’aurais bien rigolé de voir des couillons se faire encorner !

Nous quittons donc cette petite bourgade dont nous garderons un bon souvenir ! ■

Retouvez les conseils de groupes basques à écouter  en suivant le lien : http://spasme.noblogs.org/2015/01/22/la-mini-euskal-playlist/.

La mini Euskal-playlist !

Dans nos articles sur le Pays Basque on vous a un peu parlé de musique. Voici quelques groupes que nous vous conseillons.

Tout d’abord, deux groupes vus lors du Lizarrako Txoznak 2014  :

AnaiArrebakAnai Arrebak
Mélange de disco, d’électro et de rock, le tout chanté en basque, ce groupe se laisse bien écouter en concert. Pour un petit aperçu suivre le lien :
http://anaiarrebak.com/

PORTADA FINALZartako-k
Ils définissent leur musique comme du street-ska, pour vous éclairer un peu on dira que c’est du ska tirant sur le punk, notamment au niveau de la hargne du chant et par certains passages de gratte. Parfois quelques choeurs donne un petit côté oi! au tout ce qui n’est jamais désagréable après quelques patxaran !
https://myspace.com/zartakok/music/songs

Enfin, comment vous conseiller de la musique sans parler des groupes de Fermin Muguruza et de son frêre Iñigo, véritables icônes du rock basque (tout ça se trouve avec une simple recherche sur le net):

kortatu-cKortatu
Formation punk/ska mythique du Pays Basque, énormément de groupes reprennent leur morceaux qui sont devenus la bande son de toute une frange du militantisme basque dans les années 80. Pour commencer, nous vous conseillerons trois de leurs principaux titres : Zu atrapatu arte !, La familia Iskariote et enfin l’incontournable Sarri, Sarri qui s’inspire de l’évasion de membres d’ETA de la prison de San Sebastian.

negugorriakNegu Goriak
Deuxième formation des deux frères dans laquelle ils mélangent leur punk/rock/ska des origines avec le hip-hop qui fait son apparation au début des années 90. On note aussi quelques samples de musique traditionnelle basque sur certaines pistes. Toujours très impliqués politiquement, vous trouverez sur internet des vidéos assez impressionnantes de lives en soutien aux prisonniers politiques basques. Ils feront également des collaborations avec la Mano Negra.
On évoquera notamment le très bon titre Radio Rahim en hommage au personnage éponyme du film Do the Right Thing de Spike Lee sorti en 1989.

Images militantes du Pays Basque

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Fresque demandant l’amnistie des prisonniers politiques basques. (Espagne – Ondaroa)

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Fresque antifasciste visant le R.A.C. (Rock Against Communism), style musical prisé des groupuscules d’extrême droite. À gauche “C.S.B.” pour Cable Street Beat, mouvement musical tirant son nom de la bataille de Cable Street à Londres en 1936 durant laquelle des antifascistes empêchèrent une manifestation fasciste. En arc de cercle, “Détruisons leur musique”. À droite verticalement, “R.A.C., non !” (Espagne – Sopelana) En bas E.H. pour Euskal Herria c’est-à-dire Pays Basque.

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“Combattre aujourd’hui, pas demain, ne pas pleurer – Vive la lutte des travailleurs !” (Espagne)

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Affiche anti-AHT, la ligne à grande vitesse reliant la France et l’Espagne. (Espagne – Pamplune/Iruña)

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« Avorte un ministre » (Espagne)

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« Palestine libre – Boycott d’Israel » (Espagne – Lekeitio)

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Périple en euskadi (1/2) : Le Pays Basque, une terre de luttes !

Alors qu’environ 100 000 personnes ont bravé l’interdiction de manifester en faveur des prisonniers politiques basques à Bilbao, c’est l’occasion pour nous de mettre en ligne notre mini-dossier sur le Pays-Basque publié dans notre n°8.

Cet été Spasme ! s’est baladé au Pays Basque. Un endroit que nous connaissions déjà pour certains qui y ont vécu, mais qui réserve néanmoins toujours de nouvelles découvertes. Dans les pages qui suivent nous vous en ferons découvrir quelques unes.

Fresque défendant le retour des prisonniers politiques basques sur la plage principale de Lekeitio.

Fresque défendant le retour des prisonniers politiques basques sur la plage principale de Lekeitio.

Le Pays Basque quand on ne connaît pas, on ne comprend pas forcément tout ce qui s’y passe du premier coup. On a bien souvent les deux images stéréotypées que veulent bien nous en donner les États français et espagnol avec leur médias. D’un côté le gentil basque festif en rouge et blanc qui aime la corrida, le jambon et la pelote, de l’autre le méchant basque terroriste, caractéristique qui se suffit à elle-même pour éviter d’écouter ce qu’il a à dire (des fois que ça donne des idées à d’autres). Évidemment, c’est un peu plus compliqué que ça. Si le “basque folklorique” existe bien pour distraire le touriste en mal d’exotisme, nous avons préféré nous pencher sur les mouvements de luttes que nous avons pu voir en y allant. Enthousiasmants par certains côtés, il arrive parfois que l’on soit un peu perdu face à certaines revendications (communisme façon marteau-faucille),  ou étiquettes (patriote de gauche). Pour nous aider à y voir plus claire j’ai demander à Lander, un copain de là-bas, de nous éclairer un peu.

Spasme : On peut remarquer que bien souvent les groupes militants basques ont de fortes influences communistes. On voit assez fréquemment des graffitis représentant le marteau et la faucille. Pour m’être retrouvé dans un concert organisé par l’association ERNAI (qui prône la devise « Indepandentzia, Socialsmoa, Feminismoa »), j’ai constaté que ce symbole était mis en avant. N’est-il pas étrange que ce type de communisme qui a prouvé son caractère autoritaire dans les pays de l’Est ou en Asie fasse encore recette, notamment chez les jeunes ?

Lander : En fait, il s’agit d’un fait assez historique, il faut se rappeler que l’Espagne a vécu une guerre civile dans les années 30, entre le camps de l’État républicain socialiste et le putsch militaire fasciste. La résistance à ce coup d’état a été menée par des groupes très hétéroclites (socialiste, communiste, anarchiste), mais l’URSS a été un acteur majeur dans les livraisons d’armes à l’État républicain, d’où une influence très forte de la symbolique communiste soviétique. Pendant toute la période de la dictature cette influence communiste est reprise dans les groupes de résistance révolutionnaire, notamment l’ETA. De nos jours les slogans et les symboles sont toujours ancrés dans les mouvements des jeunes, mais j’ai l’impression que dans ce genre de mouvement l’idéologie principale est axée sur l’indépendance, l’autodétermination du PB, et je me demande bien ce que signifie encore pour ces jeunes le mot “socialisme”. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait beaucoup de réflexion dans ce sens-là, à part une idée vague d’un anticapitalisme. Mais peut-être que cela est en train de changer avec la crise profonde que traverse l’Espagne. Je pense que ce serait une idée intéressante de demander à ces militants ce que signifie pour eux le mot “socialisme”. Je serai bien curieux de connaître leurs réponses!

S. : Existe-t-il d’autres courants sur des bases plus libertaires ?

L. : Bien sûr, pas mal de gaztetxe (maison des jeunes) reprennent des modèles d’organisation libertaire, mais j’ai l’impression que c’est plutôt des petits noyaux, dont l’influence se limite à la ville du gaztetxe. L’ensemble de ces expériences forment peut-être un courant plus libertaire, mais je suis pas sûr qu’il y ait vraiment d’organisation entre ces gaztetxe libertaires!

Fresque sur un mur du Petit Bayonne

Fresque sur un mur du Petit Bayonne

S. : En théorie le nationalisme débouche facilement sur la xénophobie ou du moins sur la création de frontières ce qui est difficilement conciliable avec les idées communistes ou libertaires. Comment cela fonctionne-t-il au Pays-Basque ?

L. : C’est un peu la magie de ces mouvements esker abertzale (patriote de gauche), ils arrivent à unifier ces deux idées!  Les mouvements basques sont un cocktail de nationalisme, de socialisme et d’idée libertaire. Mais pour ma part j’ai un peu de mal à comprendre cette obsession nationaliste! L’idée de nationalisme est surtout animée par l’envie d’indépendance, mais après où commence la limite de la xénophobie, je ne sais pas.

S. : ETA a décidé de déposer les armes. Que faut-il comprendre de cette décision ?

L. : Je crois qu’il faut comprendre que l’idée de lutte armée s’est un peu dissipée, la justification d’un conflit armé n’est plus aussi évidente que sous Franco. Cela fait des décennies qu’ETA perdait en force et en soutien, et ces  dernières années ETA n’était plus vraiment très actif.

S. : Pour finir, quelle direction prend le militantisme basque ? As-tu un point de vue sur celle-ci ?

L. : Les choses bougent pas mal, des mouvements se sont dissous. SEGI, une organisation politique de jeunes esker abertzale s’est dissoute. Batasuna, le bras politique de l’ETA s’est dissous aussi. D’autres mouvements ont dû reprendre les idées nationalistes, indépendantiste, et socialistes. ERNAI n’est sûrement que la suite de SEGI. À voir! ■

 

En plus :

Lander nous conseillait de visionner le documentaire de Sylvie Garat « Génération autonomistes basques » diffusé en octobre dernier sur France 3 Aquitaine.

Partie 1
http://youtu.be/pDbsTi4KgRE
Partie 2
http://youtu.be/8RRb0Dl3F5k
Partie 3
http://youtu.be/7m5bsmkY8Ro
Partie 4
http://youtu.be/uikXoZZkQeE

Ressenti concernant la manifestation « Je suis Charlie » à Avignon le dimanche 11 janvier 2015

Voilà, c’est terminé. Les terroristes ont été abattus. Le monde a (presque) unanimement défilé pour défendre le droit d’expression et saluer la mémoire des victimes.
J’écoutais en rentrant de la marche à Avignon les commentateurs de France Inter extatiques : « la Frrrance debout, fière ! », le premier ministre parlant de la démonstration de la « puisssssance de la France » (j’ai sans doute l’esprit mal placé mais je ne pouvais m’empêcher d’y voir quelque chose d’érectile… et du coup de trouver ça plutôt déplacé).
Oui, car comme beaucoup de monde j’y suis allé, même si j’ai beaucoup hésité à participer à un cortège ouvert par une belle brochette de salopards dont des assassins d’une tout autre envergure que les frères Kouachi et Amedy Coulibaly.
Je me demande ce qui est pire : ça ou une indifférence générale ?
La dernière fois que j’ai participé à une marche c’était au mois de juillet dernier. Cette marche suivait alors exactement le même itinéraire, elle avait lieu en plein festival d’Avignon. Il s’agissait de condamner les crimes commis sur les populations civiles de Gaza et de Palestine.
Si je fais le rapprochement ce n’est pas pour établir une comptabilité du ratio nombre de victimes par manifestant (l’obscénité du résultat m’angoisse un peu pour tout vous dire…). C’est pour souligner un contraste saisissant : cet été la grande majorité des personnes présentes dans le cortège était, à l’exception de vieux militants de gauche indécrottables ; la communauté maghrébine des environs. Le public (éclairé) du festival ne semblait pas (dans sa grande majorité) concerné. À se demander si l’éducation et la culture suffisent pour résoudre les choses…
Dimanche, lors de la marche de l’« union républicaine » nous étions surtout entre « blancos », entre « white » comme le dit si élégamment notre (putain de) premier ministre (de merde).
Si j’ai été choqué par l’indifférence du public avignonnais l’été dernier, je n’ai pas été surpris par la désaffection de la communauté maghrébine ce dimanche (en ce qui concerne Avignon tout du moins). En effet, je trouve plutôt gonflé d’appeler à rejoindre l’« union républicaine » toute cette partie de la population. On se souvient tout à coup qu’elle est aussi française alors qu’au regard de sa représentation dans nos institutions politiques et médiatiques, on pourrait en douter !
C’est malheureux mais la première fois que je me suis dit « Tiens ! La vie politique française prend enfin des couleurs ! » c’était à l’arrivée de Sarko. Manœuvre démagogique et cosmétique s’il en est de la part de l’homme qui, toute honte bue, déclarait plus tard sur le sol sénégalais que « l’homme africain n’est pas rentré dans l’Histoire ».
À l’échelle locale ce n’est pas tellement mieux : sur les deux listes municipales de ma ville (l’une de drrrroite et l’autre de « gauche »), une seule présentait en toute fin de liste une étudiante issue de la communauté maghrébine (à ce stade c’est même en deçà du saupoudrage cosmétique de Sarkozy) en revanche sur l’autre liste côté fachos le compte y était ! (vous connaissez le VauKKKluse ?)

Mon avis est que, tant que notre « démocratie », pays des Droits de l’Homme, des lumières, dont les valeurs sont la liberté d’expression, la laïcité, et blablabli et blablabla… qui fait figurer sur le fronton de toutes ses mairies et écoles « Liberté, Égalité, Fraternité » ; tant que ce pays qui se croit en tous points exemplaire fera plus de place dans ses institutions locales et nationales aux partisans de haines raciales, antisémites et xénophobes qu’à ses citoyens à l’épiderme un peu plus pigmenté que la moyenne (musulmans ou pas) nous connaîtrons régulièrement des rejets plus ou moins violents de celle-ci. Y remédier ne résoudra certainement pas tout (il y a aussi entre autres choses le poids de l’histoire : cf. les casseroles coloniales et post-coloniales de la France) mais ça sera déjà un grand pas pour ladite démocratie.

Par ailleurs, il est un autre point qui me pose problème. Alors que la traque des assassins était lancée (la « chasse à l’homme » pour reprendre la terminologie spectaculaire des médias de large audience), j’ai entendu dans mon entourage plusieurs personnes s’exclamer « il faut les buter ces gars-là », j’ai même entendu « il faut les exterminer » (gulps !…). Le dénouement de ces tragiques épisodes leur aura sans doute donné satisfaction. Pas à moi.
Au-delà de l’immense peine que j’ai pour ces dessinateurs dont j’aimais l’esprit et les dessins mais aussi pour toutes les autres victimes, je pense que les agresseurs, au nom de tous les principes cités plus haut, auraient pu et auraient du pouvoir bénéficier de ce qui constitue la base d’un État de droit me semble-t-il : un jugement !
C’est sans doute très facile à dire d’où je me trouve, confortablement assis derrière l’écran de mon ordinateur, mais il me semble que le scénario est le même pour chacun de ces épisodes. On connaissait tous à l’avance l’issue fatale. Comme si plus de sang pouvait laver le sang déjà versé. Kelkal en 1995, Merah en 2012, les frères Kouachi et Amedy Coulibaly maintenant : aucun de ces gars n’est capturé vivant pour être jugé. J’ai du mal à croire que les troupes militaires d’élite puissent procéder sans pertes humaines à l’évacuation des otages et ne puissent pas blesser simplement les agresseurs pour les neutraliser.
L’ampleur de la caisse de résonance que constituent l’émotion, la clameur populaire et l’amplification médiatique fait-elle office de procès ? Pourquoi notre État, dit « de droit », se dispense-t-il à chaque fois dans une situation similaire des procédures judiciaires en vigueur ?
Même des ordures comme Papon, Barbie, même les pires pédophiles ont eu droit à un procès. Pourquoi pas ces assassins-là ? Qu’est ce qui justifie ce « régime de faveur » ? Le peuple ne pouvait-il concevoir d’autre issue que celle du « sang impur abreuvant nos sillons » ? Est-ce le prix à payer pour une très relative et temporaire paix sociale ?
Je pense que nous aurions beaucoup gagné à juger, à entendre ces personnes, ne serait-ce que pour les proches des victimes mais aussi pour celles et ceux, tou-te-s jeunes, qui déjà ruminent une rancœur tenace pour cette « démocratie » qui, quoi qu’il arrive, ne les écoutera ni ne les entendra jamais.

V.M.